mardi 14 février 2012

Lucien Colon : le maire de l'expansion


COLON Lucien

(Saint-Prix 1903 - Lapalisse 1974)

Chevalier des Palmes académiques

Médaille d'honneur départementale et communale

Membre du Comité de Libération de Lapalisse en août 1944

Conseiller municipal de 1945 à 1947 et de 1953 à 1959

Maire de Lapalisse de 1959 à 1971

Conseiller général du Canton de Lapalisse de 1951 à 1974

Représentant de commerce, Montplaisir


La conquête du pouvoir local par Lucien Colon fut en tout point remarquable. Alliant à la fois l'engagement associatif d'avant-guerre, l'entrée en résistance sous l'occupation et, enfin, la constitution d'un solide réseau de relations servi par son activité professionnelle, Lucien Colon fut pendant plus de trente ans un homme incontournable dans le paysage politique local qu'il finit par dominer. Animé d'une saine ambition, il maîtrisa à merveille, en bon représentant de commerce qu'il fut, la gestion de son image personnelle auprès de ses électeurs et de ses administrés. Véritable batelleur aux allures de fort des halles, Lucien Colon laissa à l'Assemblée départementale le souvenir d'un homme doté d'une faconde buissonnière.
Bien que Saint-Prissois d'origine, Lucien Colon eut une jeunesse avant tout lapalissoise. Issu d'un milieu modeste, Lucien Colon entra dans la vie professionnelle en tant que représentant de commerce et se spécialisa vite dans la vente d'articles chaussants d'intérieur. A la fin des années 1920, Lucien Colon épousa une jeune lapalissoise, Renée Reveret, fille d'un petit commerçant. Lucien Colon se forgea une première culture politique auprès des Radicaux lapalissois (le Docteur Baudon, Auguste Coche, Claudius Papon...) Néanmoins, ce fut sur la liste d'opposition d'Action communale qu'il se présenta pour la première fois aux élections municipales de mai 1935. Barré par son manque d'envergure publique, Lucien Colon ne recueillit que 348 voix. Mobilisé à l'automne 1939, Lucien Colon fut fait prisonnier par les forces allemandes lors de la Débâcle et ne recouvra la liberté que courant 1942.




Les années d'Occupation furent déterminantes dans l'itinéraire politique de Lucien Colon. Devenu délégué local aux prisonniers de guerre, la renommée de notre homme se fortifia de jour en jour. Voyageur de commerce infatigable, Lucien Colon recommença à sillonner tant bien que mal les routes de la région servant à l'occasion d'agent de liaison entre différents réseaux de résistance. La Libération venue, Lucien Colon était devenu un personnage incontournable de la vie lapalissoise. Dès août 1944, il siégea au sein du Comité de Libération qui administra la ville de Lapalisse jusqu'aux élections municipales de mai 1945. Confortablement élu conseiller municipal avec 1100 voix, Lucien Colon prit peu à peu ses distances par rapport aux orientations politiques de Charles Bécaud. Il décida de ne pas se représenter aux élections municipales d'octobre 1947.
Quatre années plus tard, notre homme retrouva le devant de la scène politique locale de la plus brillante des manières. Candidat républicain indépendant aux élections cantonales d'octobre 1951, Lucien Colon se retrouva au coeur d'une quadrangulaire opposant le conseiller général sortant, maire du Breuil, Antoine Brun (SFIO), et deux autres Lapalissois, Paul Baptiste (PC) et Jean-Marie Depeyre (RPF). Au premier tour, Lucien Colon n'arriva qu'en troisième position avec 1130 voix. Cependant, Antoine Brun, froissé de n'avoir pu être élu dès le premier tour, se retira de la course. Profitant d'un très bon report des voix du candidat gaulliste, Lucien Colon fut élu avec 2116 voix, contre 1866 voix à Charles Bécaud (qui avait remplacé au pied levé Antoine Brun sous l'étiquette de la Démocratie sociale) et 1622 voix à Paul Baptiste. Mais au-delà de ce succès électoral, Lucien Colon se repositionnait auprès des électeurs lapalissois : avec 942 voix, Lucien Colon devançait outrageusement le candidat communiste (341 voix) et surtout le maire de Lapalisse, Charles Bécaud (260 voix). Deux ans plus tard, Lucien Colon se représenta aux élections municipales sur une liste unique qu'il codirigeait avec Gilbert Barthelot. Récoltant 1184 voix, Lucien Colon devançait d'une longueur tous ses colistiers. Une fois élu maire de Lapalisse, Gilbert Barthelot créa un troisième poste d'adjoint afin de récompenser le soutien politique que lui avait fourni Lucien Colon.
Confortablement réélu conseiller général du canton de Lapalisse au premier tour du scrutin de 1958 (3367 voix contre 1372 à Gaston Gay (PC) et 762 à Jean Parillaud (SFIO), Lucien Colon conduisit seul une liste unique aux municipales de mars 1959. Sans surprise, les 21 colistiers furent élus dès le premier tour. Les deux grands objectifs de la politique communale de Lucien Colon furent de moderniser la ville et d'encourager le développement économique. Conseiller général depuis déjà deux mandats, Lucien Colon travailla en liaison directe avec le Comité d'expansion économique de l'Allier et les différents services départementaux dont il avait une excellente connaissance. Son travail de terrain était excellemment relayé (d'aucuns diront pensé) par le secrétaire de la Mairie de Lapalisse, Jean Daumur, futur conseiller général. Les entrées de la ville furent embellies, de nouveaux égouts furent créés, l'éclairage public généralisé à tous les quartiers, un nouveau dispensaire inauguré... A partir du début des années 1960, la Société d'exploitation des Eaux de Charrier (Saint-Priest-Laprugne) choisit d'installer en gare de Lapalisse-Saint-Prix un service d'expédition. En 1963, les époux Batigne créérent les Etablissements VINYCUIR (maroquinerie scolaire) sur la toute première zone d'activité lapalissoise, avenue de Verdun.
En novembre 1962, Lucien Colon accepta opportunément (l'opportunisme n'étant pas la moindre de ses qualités) de devenir le suppléant de Pierre Coulon, député-maire de Vichy, lors des législatives de novembre. Le but de la manoeuvre était double : pour Pierre Coulon, l'alliance avec un homme du cru sachant parler au peuple était nécessaire, pour Lucien Colon, la survie politique passait désormais par un rapprochement avec les gaullistes départementaux. Pourtant, peu de liens unissaient les deux hommes. Cette alliance de circonstance fut facilitée par l'entremise d’un ami commun, M. Montagnier, marchand de vins à Lapalisse. Au second tour, Pierre Coulon perdit son siège de député au profit du centriste cussétois, Gabriel Péronnet, qui inaugura ainsi une brillante carrière politique. Le même mois, Lucien Colon se présenta sans succès aux élections sénatoriales. Défendant les couleurs du radicalisme bourbonnais, il espérait rassembler derrière son nom une grande partie du collège électoral de l'Est de l'Allier. La défaite fut cuisante.
Aux élections cantonales de mars 1964, le paysage politique local était singulièrement différent de celui de 1958. Au premier tour, pas moins de six candidats se retrouvèrent en compétition. Cette situation ne pouvait que favoriser l'éparpillement des voix d'autant plus que la plupart des candidats se distinguaient par leur jeunesse. Arrivé en tête au premier tour avec 1267 voix, Lucien Colon triompha au second tour avec 2038 voix (contre 1666 à Claude Méténier, radical-socialiste, droguiste lapalissois et 1317 à Jean Sylvaire, maire d'Arfeuilles, candidat indépendant).Bien que réélu, Lucien Colon ne pouvait ignorer que plus d'un tiers de ses électeurs de 1958 (soit près de 1 000 voix) lui avaient tourné le dos.

Aux élections municipales de 1965, la liste dirigée par Lucien Colon se retrouva une nouvelle fois seule en lice. L'ensemble de la liste fut confortablement élue dès le premier tour de scrutin, mais il est important de noter que Lucien Colon se retrouva devancé au nombre des voix par dix de ses colistiers : en l'espace de deux années, les électeurs avaient réduit de façon notable la marge de manoeuvre du maire de Lapalisse.
Durant son second mandat municipal, Lucien Colon continua à encourager le développement économique de la ville. En 1966, un abattoir flambant neuf fut ouvert sur le site de la Zone d'Activités de Lubillet. En 1969, le principe de la fondation d'une société regroupant les intérêts de six volaillers (quatre lapalissois, MM. Orrechia, Cote, Baillon et Mme Barret, auxquels se sont greffés M. Delorme de Changy et M. Pralut de Saint-Martin d'Estreaux) fut entériné. La SAVAB (Société des Abattoirs du Val de Besbre) débuta ses activités en mars 1970 tout contre le nouvel abattoir municipal. Alors qu'à la fin des années 1950 Lucien Colon avait soutenu le dossier de l'Ecole ménagère agricole inaugurée en 1959 (l'actuel Lycée Professionnel Agricole Antoine-Brun), il porta à bout de bras celui de la création d'un collège d'enseignement secondaire qui fut inauguré en 1968 (rebaptisé Collège Lucien Colon en 1982).
Aux élections cantonales de mars 1970, Lucien Colon reconquit une partie de son électorat et fut brillamment réélu conseiller général du Canton de Lapalisse dès le premier tour avec 2356 voix (contre 1205 à Gaston Gay, instituteur lapalissois, Parti communiste et 545 voix à Jean Laurent, entrepreneur lapalissois, sans étiquette). Lucien Colon décida de ne pas se représenter aux élections municipales de mars 1971. Le conseil municipal sortant se présenta donc uni mais sans véritable champion devant les électeurs lapalissois. Au terme d'une campagne indécise, la liste rivale obtint une courte majorité et l'inattendu Docteur Grèze fut élu pour la première fois maire de Lapalisse.
Le 14 novembre 1974, Lucien Colon s'éteignit à son domicile de la rue Marcel Déborbes, fier d'avoir transformé sa bonne ville de Lapalisse, mais ne laissant derrière lui aucun véritable héritier politique, faute peut être de n'avoir jamais eu d'enfants.

S. HUG
(HUGSTEPHANE@aol.com)

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