vendredi 19 juin 2009

Vacances d'été à Lapalisse (1935-1950)

-
C'était tout d'abord le voyage en train depuis Paris. Lorsque nous passions à Varennes-sur-Allier, devant les maisons du personnel de la Compagnie P.L.M, mon père disait : "Nous arrivons bientôt". Ultime étape : Saint-Germain-des-Fossés et la rotonde où étaient garées les locomotives à vapeur. Enfin, l'arrivée, le chef de gare annonçait : Lapalisse-Saint-Prix ! Je descendais, le coeur battant, humant l'air si léger, savourant déjà les bruits nouveaux. Jean, de l'Hôtel de l'Ecu, attendait les voyageurs avec son car et nous transportait jusqu'à la maison de mes grands-parents. Chemin faisait, il nous rapportait les dernières nouvelles du pays.
Les premiers instants d'embrassades passés, je montai vite dans "ma" chambre et regardais par la fenêtre si je voyais Irène mon amie de vacances. Elle habitait l'épicerie toute proche.


Lapalisse, rue du Commerce, "Au planteur de Caïffa", en 1936


Dès qu'elle me rejoignait, nous prenions possession de la tonnelle au fond du jardin. C'était notre maison, nous installions les poupées et organisions les repas avec les pommes tombées de l'arbre. Tout nous paraissait immense et nous goûtions pleinement cette liberté.

Mais il y avait bien d'autres distractions. Quand mon père décidait d'aller à la pêche, il nous emmenait par la rue de la Prairie jusqu'à la Besbre.


Lapalisse, la rue de la prairie en 1936


Il nous fallait traverser les prés où passaient les vaches et nous étions pas très rassurées. On passait d'un pré à l'autre par des échelles de branches qui enjambaient les haies. Et c'était le plaisir de se tremper jusqu'aux mollets dans les clapotis de l'eau.


Baignade dans la Besbre


Mais ce que nous préférions, c'était lorsque nous allions au Moulin Marin. Arrivés au hameau, mon père achetait à la petite épicerie un paquet de "Petit beurre LU", deux barres de chocolat et une bouteille de limonade. Nous la mettions à rafraîchir dans l'eau entre deux pierres. Quel bonheur après la baignade de savourer ce goûter exceptionnel !


Il y avait aussi les événements attendus, surtout l'arrivée de ma cousine Claude et de sa famille. La maison entrait en effervescence et souvent il était décidé de dîner dans la cour. Pour ces grandes tablées, ma grand-mère faisait alors des sanciaux et pour le dessert un mias, genre de clafoutis aux raisins, que nous avions porté à cuire dans le four du boulanger, M. Lapendry.


Lapalisse, repas dans la cour
-


Tous les soirs d'été, mes grands-parents s'installaient sur le banc dans la cour en compagnie de voisins. Parfois, des amis d'enfance de mon père nous rejoignaient et la veillée se prolongeait.

Dans la rue, les commerçants sortaient les chaises et s'installaient pour bavarder. Les groupes étaient toujours les mêmes : le menuisier, la couturière et leur famille, plus loin, l'horloger et l'épicier. Mais Irène venait faire la veillée avec nous.
-
Lapalisse, rue du commerce en 1932
-
Le dimanche, bien sûr, nous allions à la messe vêtues de notre plus belle robe. Ma cousine et moi occupions alors les deux chaises marquées au nom de nos grands-parents. Après, nous allions manger des gâteaux crémeux chez Baudin ou Sauvadet pendant que les parents passaient commande pour le dessert familial.

Les robes du Dimanche


Le 15 août était un évènement tout particulier : la messe était suivie d'une grande procession dans le parc du château. L'après-midi, nous montions à Beaulieu où nous attendait une nouvelle procession par les chemins creux au milieu des champs.
Parfois aussi la famille décidait une promenade dans la campagne et c'était le plaisir de cueillir le mûres dans les haies et les noisettes sur le chemin de Beaulieu.

Promenade en famille


Ce que nous aimions aussi, c'était les jours où mon grand-père recevait une noce pour la photographier. Dès le matin, il avait monté l'estrade où les mariés et leurs nombreux invités prendraient place. Le moment venu, nous allions nous poster derrière les volets au premier étage d'où nous pouvions admirer la mariée et ses demoiselles d'honneur dans leurs belles robes. Parfois, nous nous déguisions et c'était à nous de nous faire photographier.


Les "Mariées"


La "Bourbonnaise"

Il y avait aussi la fête de Lapalisse au faubourg le premier dimanche de septembre. Les attractions étaient nombreuses mais nous nous intéressions particulièrement aux baraques de loterie et à leurs belles poupées que nous rêvions de gagner, aux manèges, aux chenilles, aux "cri-cri" (1)
Mais l'enfance s'est achevée, l'adolescence est venue et la bicyclette offerte pour l'entrée en sixième. Quelle liberté ! La plupart des routes n'étaient pas goudronnées et il y avait si peu de circulation. Notre champ d'action s'élargissait : Barrais-Bussolles et la bénédiction des voitures, quelques excursion à Vichy. Nous montions la côte de Bost vélo à la main, mais au retour, quelle récompense ! Heureusement nous étions seules sur la route.
Plus tard il y eut également les "parquets" où nous allions danser. Ils s'installaient sur les places des villages pour la fête locale : Trézelles, Servilly, Droiturier, SaintPrix. Les distractions ne manquaient pas et pas besoin d'aller loin.


Lapalisse, samba dans la cour en août 1948

Après la guerre, avec la voiture, nous faisions des visites dans les environs. Comme il était interdit de se baigner dans la Besbre à cause des risques de poliomyélite, nous allions à l'établissement thermal de Sail-les-Bains dont la réclame vantait l'eau "la plus radioactive d'Europe".

Mais toujours, bien sûr, arrivait la fin des vacances. Le coeur serré, nous nous retrouvions sur le quai d'en face, attendant le train. Nous l'entendions au loin et mon père disait : "Il est sur le viaduc de Saint-Prix." C'était fini. cependant, je repartais avec un trésor : l'accent.
-

(1)- Le Cri-cri était un manège constitué de sièges à une place suspendus par deux chaînes et tournant à vive allure.

Huguette Jeannot-Edouard pour les souvenirs et le texte et Florence Tripetzky pour la mise en forme.


Tous droits d'utilisation et de reproduction réservés pour le texte et les photographies.
-
Retrouver dans les archives de PALICIA du mois de septembre 2008 un précédent article de Florence Tripetzky intitulé Charles Jeannot, instituteur et photographe.
-

Aucun commentaire :