mercredi 2 juin 2010

Jules Gacon ou l'âge d'or du radicalisme bourbonnais

-
Pendant plus de trente ans, des années 1880 à sa mort en 1914, Jules Gacon incarna le radicalisme dans l'arrondissement de Lapalisse. Héritier politique des Donjonais qui avaient investi Lapalisse le matin du 4 décembre 1851, Gacon finit par dominer la vie politique bourbonnaise porté par les idées radicales qui submergèrent peu à peu le vieil opportunisme républicain de la génération de 1870.
-

-

Gacon naquit le 8 octobre 1847 au Donjon où son père était artisan chaudronnier. L'enfant fit un passage si brillant à l'école communale, que ses parents décidèrent de l'envoyer au lycée de Moulins. Puis, il monta à Paris en 1867 pour faire sa médecine. Lors de la Guerre de 70, Gacon fit toute la campagne en qualité d'aide-chirurgien dans le service de l'ambulance des volontaires de l'Allier. Démobilisé en 1871, il reprit ses études et fut reçu docteur en médecine en 1878. Le jeune praticien décida alors de retourner au Donjon et d'y ouvrir un cabinet.
Les questions sociales le passionnèrent très tôt. A peine installé, il rallia le camp républicain et se signala aux yeux de ses concitoyens comme l'un de ses plus ardents militants. Aussi, dès 1881, il fut élu conseiller municipal du Donjon lors d'une élection partielle. En 1883, Jules Gacon fut élu conseiller général du canton du Donjon. Il ne quitta plus l'assemblée départementale, étant réélu à quatre reprises triomphalement. En 1884, Jules Gacon devint maire du Donjon et le demeura jusqu'à sa mort.

Les élections législatives de 1889, furent marquées par la fièvre boulangiste. Aussi, Jules Gacon, candidat pour la première fois au poste de député, ne tarda-t-il pas à attaquer à ce front qu'il jugeait, à raison, "informe": « Mon premier devoir, proclame-t-il dans sa circulaire électorale, sera de sauvegarder la République attaquée par la coalition des partis monarchistes et impérialistes, alliés à un général prévaricateur ». Le candidat boulangiste, Ernest Olivier, ne put rien face au talent, à la fougue et à la jeunesse de Gacon. Sur 29.070 inscrits et 21.397 votants, 12.967 voix allèrent à Gacon, 8.039 à Olivier. Victoire donc dès le premier tour.
A la Chambre, où il rejoignit le groupe de la gauche démocratique, Jules Gacon commença une assez longue période d'apprentissage parlementaire. Il réserva le meilleur de lui-même au travail des commissions dont il fut membre, portant spécialement son attention sur les chemins de fer.
En 1893, les élections législatives étaient fixées au 20 août, et le maire du Donjon trouvait sur sa route le même Ernest Olivier qu'en 1889, boulangiste devenu libéral. Or, quoique le nombre des votants eut diminué de plus de deux mille, Gacon trouvait à augmenter le nombre de ses suffrages, avec 13.048 voix, Olivier tombant à 5.484.
Il subit toutefois aux élections sénatoriales, en 1894, son premier revers électoral. Les législatives du 8 mai 1898 lui offrirent une belle revanche, et au premier tour comme de coutume : 16.300 voix contre 8.444 à un « républicain progressiste » Paul Debray et au socialiste Morand.
La position parlementaire du maire du Donjon ne cessa de s'affermir. Les élections législatives du 27 avril 1902 allaient le consacrer. Jules Gacon fut cette fois-ci opposé au Général Meyssonnier, réputé « libéral antiministériel ». Or, fait extraordinaire, dans nombre de communes, Meyssonnier ne récolta pas une voix, toutes allant à Gacon. Au total, sur 31.941 inscrits et 25.615 votants, le résultat fut de 18.380 voix pour Gacon contre 6.889 au général et 38 à Archimbaud, socialiste. Ce score constitua la plus belle victoire de ces législatives. Toute la presse de Gauche célébra alors Jules Gacon « premier élu de France ». Certains journalistes le surnomèrent même le « Bayard de la démocratie ».
Entre temps, son « patron » de naguère, le sénateur Cornil, commençait à perdre du crédit alors que le maire de Donjon en gagnait. Porté par la vague radicale de la fin du XIXe siècle, Jules Gacon lui ravit la présidence du Conseil général de l'Allier en août 1898, présidence qu'il assura jusqu'à la fin de ses jours. Cornil se présenta une nouvelle fois face à Gacon lors des élections sénatoriales de 1903. Ce ne fut l'affaire que d'un tour : 495 voix, Cornil n'en comptait que 236.
Avant de donner sa démission de député, Gacon n'avait point manqué de soutenir de son mieux la politique du cabinet Combes. Ce fut également en combiste résolu qu'il fit son entrée au Sénat, au début de 1903 : il fit de la laïcité son grand combat politique. Toutefois, d'autres sujets retenaient également son attention : le budget de l'agriculture, l'état sanitaire de l'armée, l'assistance obligatoire aux vieillards, aux infirmes et aux incurables privés de ressources. Mais ce fut encore sur la question des chemins de fer qu'il laissa son oeuvre la plus considérable. Aux yeux du Sénat, il finit même par faire figure de spécialiste du rail.
Enfin, en 1909 et 1910, il combattit en faveur des retraites ouvrières, sujet qui lui tenait à coeur depuis longtemps.
Au renouvellement du 7 février 1912, Jules Gacon fut réélu sénateur un peu moins facilement qu'en 1903 puisqu'il fallut un second tour, mais ce fut finalement par 501 voix sur 824 votants qu'il triompha.
Cependant, la maladie l'affaiblissait déjà et il prit de moins en moins part aux travaux du Sénat. Il mourut dans sa maison du Donjon le 21 novembre 1914 à l'âge de 67 ans.

-

S. HUG

HUGSTEPHANE@aol.com

Aucun commentaire :