vendredi 6 août 2010

Edmond Louveau se souvient de sa première nuit d'homme libre passée à Lapalisse (31 décembre 1943)

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Edmond Louveau (1895-1973) embrassa dans les années 1920 une brillante carrière dans l'administration coloniale. Nommé Administrateur supérieur de la Haute Côte d'Ivoire (actuel Burkina Faso) en 1937, il se rallia à la France Libre dès juin 1940. Appelé à Dakar en décembre 1940 par le Gouverneur de l'Afrique Occidentale Fançaise afin de négocier le ralliement de la Haute Côte d'Ivoire, Edmond Louveau fut trahi et arrêté. Mis en résidence surveillée, il fut transféré en France. D'abord interné à la prison de Gannat, Edmond Louveau fut ensuite détenu à la maison d'arrêt de Riom d'où il réussit à s'échapper, grâce au concours de la Résistance locale, en empruntant les souterrains qui communiquaient avec le Palais de Justice. L'évasion se déroula à quelques heures du nouvel an 1944. Muni de faux papiers, le commando fonça alors vers le nord de la région.





"Nous arrivâmes vers 23 heures à Lapalisse, notre première destination, sans avoir rencontré autre chose que quelques postes de gendarmerie qui nous laissèrent passer après vérification de nos irréprochables « papiers ». À Lapalisse, nous attendait dans un des hôtels de la ville, tenu par un membre de la Résistance, M. Gruet, qui avait préparé un copieux réveillon. Plusieurs membres influents des organisations de Résistance locale vinrent me voir.
À titre d'épreuve, je me livrai, sans les prévenir, à une transformation qui, en d'autres circonstances, aurait pu paraître mystification : ils me virent monter dans ma chambre, au premier, avec la belle barbe bien fournie que j'avais laissé pousser pendant mes 40 mois de bagne et de prison et sans laquelle aucune des personnes présentes ne m'avait jamais connu. Vingt minutes après je descendis complètement rasé : personne ne me reconnut. Je compris alors que, recherché par toutes les polices et par la Gestapo, il me serait facile avec un nouvel état civil, de me promener à travers la France et de travailler pour la Résistance, sans risquer d'être reconnu : le « résistant » serait peut-être pris, mais le bagnard évadé s'était volatilisé... "



Extrait de la Revue de la France Libre, n° 119, juin 1959 (repris de l'ouvrage « Au Bagne ». Entre les griffes de Vichy et de la milice, Soudan impression, 1947).


Edmond Louveau entra dès lors dans la Résistance auvergnate, puis participa à la Campagne de France en 1944-1945. Regagnant l'Afrique dès 1946, Edmond Louveau finit sa carrière d'administrateur colonial au Soudan en 1953.


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S. HUG


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