dimanche 5 février 2012

LES CARNETS DE BORVO : la galaxie montluçonnaise.

-


A la limite de trois régions administratives (Auvergne, Limousin et Centre) et très excentrée par rapport au Val d’Allier qui structure notre département, la région montluçonnaise forme, le long du Cher, un territoire à part.
L’identité montluçonnaise, mélange de cultures berrichonne et bourbonnaise et de mémoire industrielle, fut mise en avant par le Docteur Georges Piquand, l’écrivain Jean-Charles Varennes, le magistrat André Guy, l’archéologue amateur Maurice Piboule et d’une façon générale par la Société des Amis de Montluçon créés en 1911. Avec ses 39 000 habitants, Montluçon est la première ville du Bourbonnais (la seconde d’Auvergne après Clermont-Ferrand) et son agglomération de 78 000 habitants (regroupant 32 communes) est ni plus ni moins que le second pôle urbain régional après la métropole clermontoise et englobe le petit centre industriel de Commentry (6 800 h) et la modeste station thermale de Néris-les-Bains (2 700 h). Au cœur de cette aire urbaine, la Communauté d’agglomération de Montluçon, créée en 2000 et actuellement présidée par le maire de Montluçon, Daniel Dugléry, rassemble 63 000 habitants et dix communes (Désertines 4 400 h, Domérat 9 000 h, Lamaids, Lavault-Sainte-Anne, Lignerolles, Montluçon, Prémilhat, Quinssaines, Saint-Victor et Teillet-Argenty).
Autre particularité de taille : avec 31 % d’ouvriers (moyenne nationale 25 %), la population active montluçonnaise demeure résolument ancrée dans le secteur secondaire et cela malgré deux périodes de forte désindustrialisation : 1950-1970, - 3 300 emplois industriels et 1980-2000 : - 2 000 emplois industriels). Le combat pour le maintien des emplois industriels demeure d’ailleurs encore une priorité dans le bassin montluçonnais. Ces deux crises eurent comme corollaires : un net fléchissement démographie (57 000 montluçonnais en 1968, 50 000 en 1982 et donc 39 000 aujourd’hui), l’apparition de quartiers sensibles à réhabiliter et revitaliser (Bien-Assis, Fontbouillant et Cités Dunlop), ainsi qu’une perte d’image que l’actuelle municipalité essaye de corriger en développant notamment des animations culturelles conçues autour du passé médiéval de la ville. Enfin, même si Montluçon a basculé à Droite en 2001, l’ancrage à Gauche du vieux bassin industriel montluçonnais est encore très prononcé.





Dans les années 1960, la ville de Montluçon rayonnait sur une aire d’influence qui couvrait tout l’ouest du département de l’Allier, une bonne partie du département de la Creuse, le Nord-Ouest du Puy-de-Dôme, quelques cantons du Cher et de l’Indre. De nos jours, cette zone d’influence va en se rétractant car elle s’étendait et s’étend toujours sur des zones rurales aujourd’hui en profonde déprise et elle pâtit en plus de la faiblesse du statut administratif de la ville. De nos jours, Montluçon rayonne encore solidement sur la Vallée du Cher jusqu’à Saint-Amand-Montrond, sur la moitié est du département de la Creuse, sur la moitié nord des Combrailles et sur le tiers le plus occidental du département de l’Allier. Montluçon offre néanmoins une gamme très complète de services et d’administrations : centre hospitalier, tribunaux de première instance, sous-préfecture, administrations territoriales, commerces variés et grandes surfaces, salle de cinéma, salles de spectacles (Centre Athanor inauguré en 1985, Théâtre des Fédérés, Le Guingois), quatre collèges, deux lycées généraux (avec classes prépas et BTS), deux lycées professionnels, un IUT créé en 1968, un IFAG, une Ecole de la Gendarmerie (créée en 1976 dans la caserne Richemont) et l’ACI Montluçon (Marketing et affaires internationales).
Le positionnement de Montluçon par rapport aux grands axes de communication pose cependant problème : l’agglomération est située à dix kilomètres de l’A 71. Une bretelle autoroutière (l’A714) reliant l’agglomération montluçonnaise à l’A 71 et à la RCEA doit être mise en service en 2011. Il faut également presque trois heures pour gagner la Capitale par le train. De plus, l’aéroport de Montluçon Guéret situé sur la commune creusoise de Lépaud à vingt kilomètres de Montluçon ne possède qu’un trafic très limité. La ville de Montluçon ne possède pas d’organes de presse indépendant (le dernier quotidien montluçonnais Centre-Matin a disparu en 1968) et elle n’abrite qu’une agence du quotidien clermontois La Montagne.

A l’origine, la ville de Montluçon se développa autour d’un château édifié au sommet d’un piton rocheux dominant la confluence du Cher et de l’Amaron. Ville-frontière au XIIe siècle, située face aux Anglais, Montluçon résista à plusieurs sièges et entra définitivement dans le giron des Bourbons en 1202. Avec le rattachement du Bourbonnais à la Couronne en 1531, Montluçon passa du statut de résidence ducale à celui de ville-marché de province dotée d’une poignée de juridictions secondaires. En 1790, Montluçon tenta en vain de prendre la tête d’un département centré sur le Val de Cher.

L’âge du fer et de l’acier - Au cours du XIXe siècle, Montluçon fut véritablement bouleversée par la révolution industrielle. Avec l’achèvement du canal du Berry (1808-1834), des fonderies furent créées dès 1842 dans le quartier Saint-Jacques utilisant à la fois le minerai de fer du Berry et le charbon de Commentry : les Usines Saint-Jacques ouvrent leurs portes en 1848. Outre-Cher, sur la rive gauche de la rivière, le quartier ouvrier de Ville-Gozet vit alors le jour tirant son nom du tailleur d’habit Gozet rayé par toute la vieille ville pour son amour de la chopine et qui fut l’un des premiers artisans à s’établir dans ce nouveau quartier. De 5 000 habitants en 1840, la population montluçonnaise bondit à 28 000 habitants en 1890. Les usines Saint-Jacques, appartenant au groupe Châtillon-Commentry, se développèrent de façon considérable pendant le Grande Guerre devenant alors le premier pôle sidérurgique national. Le maximum de production fut atteint en 1948 avec 58 000 tonnes. En 1964, les forges Saint-Jacques cessèrent leur activité laissant sur le carreau 880 métallos. Les derniers ateliers de l’aciérie de la Société Saint-Jacques fermèrent définitivement en 1972. A bout de soufle, la Société des Ateliers Pinguely Ville-Gozet cessa ses activités à son tour en 1978.
De nos jours, seules la Sociét AMIS et la Société Bréalu continuent à témoigner du passé métallurgique de Montluçon. Créée en 1974, AMIS (Ateliers Mécaniques et Industries Spéciales) emploient environ 600 employés. Créée en 1970, la Fonderie Bréa s’installa sur le site des Trillers, sur la commune de Vaux, en 1973. De 80 employés à sa fondation, la Fonderie Bréa employa jusqu’à 450 employés en 1996. Mise en liquidation judiciaire en 2006, la société fut rachetée en 2007 par le groupe BIOMECA qui créa la Société Bréalu qui, régulièrement en difficulté, n’emploie plus que 300 salariés. De nouveau en difficulté, et de nouveau mise en liquidation judiciaire en 2013 (les ite fut d'ailleurs occupé par les salariés menaçant de faire sauter des bonbonnes de gaz) la Fonderie de Vaux n'emploie plus qu'une trentaine de personnes.
Dunlop-France. La société Dunlop s’installa à Montluçon en 1921 et produisit dès le départ des pneumatiques dans des ateliers employant 1 200 personnes. En 1928, Dunlop emploie déjà 3 500 ouvriers, puis 3 900 à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. A cette époque, les immigrés italiens, polonais et espagnols sont déjà nombreux. Durant la nuit du 15 au 16 septembre 1943, 350 bombardiers de la RAF pilonnèrent les usines et les cités Dunlop, ainsi que les ateliers de la SAGEM : 50 morts, 3 000 sinistrés, les cités sont en grande partie détruites par un gigantesque incendie. A leur apogée, en 1948, les ateliers Dunlop emploie 5 500 personnes et produisent 25 % des besoins en pneumatiques du marché national. Le taux de syndicalisation CGT y est alors élevé et le PCF puissant. A partir des années 1960, les effectifs Dunlop commencèrent à fondre pour ne plus regrouper que 2 800 ouvriers en 1980. Le 5 octobre 1983, la Société Dunlop-France dépose le bilan. Le 14 octobre 1983, 20 000 personnes défilent dans le cadre d’une opération « ville-morte » pour sauver les emplois Dunlop. La Société japonaise Sumitomo rachète quelques mois plus tard Dunlop-Montluçon mais licencie 1 300 employés. Goodyear rachète le site de Montluçon en 2000. De nos jours, les effectifs stagnent autour de 800-850 personnes.
Deux autres piliers du bassin industriel montluçonnais : la SAGEM et Landis et Gyr. La SAGEM (Société d’Application Générale Electrique et Mécanique) fut créée en 1933 à Domérat. Elle s’est très tôt spécialisée dans le matériel de précision pour la Défense. Après avoir employée 2 500 personnes dans les années 1960, la SAGEM n’emploie plus aujourd’hui que 1 200 personnes. La Société suisse Landis et Gyr s’est installée à Montluçon en 1939 pour y produire des compteurs électriques, des disjoncteurs. Après avoir employée jusqu’à 1 400 personnes dans les années 1960, les effectifs tombèrent à 900 en 1990, puis 350 en 1996, année durant laquelle le site fut racheté par le groupe Siemens.
Le bassin d’emploi montluçonnais est complété par les industries de Commentry, vieux centre minier du XXe siècle. Les deux principaux sites sont Rhône-Poulenc Nutrition Animale (700 emplois) et la société Erasteel qui produit des aciers rapides (300 emplois).


S. HUG


Aucun commentaire :