vendredi 26 octobre 2012

Un castor au pays de la Terre Rouge (Isserpent)

En avril 2004, à l'occasion d'une crue du Barbenan, M. Barthomeuf découvrit sur sa propriété de La Tuilerie à Isserpent, la dépouille d'un castor. Alertés, les services de l'ONCFS confièrent l'animal au Muséum d'Histoire Naturelle de Clermont-Ferrand qui procéda à sa naturalisation.  Si cette découverte reste exceptionnelle en Montagne bourbonnaise, elle signale néanmoins une présence de plus en plus importante du castor en Bourbonnais.
L'espèce est connue dans le département de l'Allier depuis les années 1990 (commune de Château-sur-Allier). Elle colonisa le Val d'Allier durant la même décennie et fut repérée pour la première fois dans le Val de Sioule en 1993 (commune de Bayet) et dans le Val de Loire en 1995 (commune de  Gannay-sur-Loire). La présence de castors fut également avérée sur le cours de la Besbre, depuis sa confluence jusqu'à Lapalisse.Au cours de la décennie 2000, cette espèce renforça sa présence sur ses quatre cours d'eau. On estime actuellement qu'environ 1 000 à 1 600 individus vivent sur l'ensemble du bassin versant de la Loire. 

Remerciements à Mme Marie-Françoise Faure, Directrice-adjointe du Muséum Henri-Lecoq et à M. Charles Lemarchand, Chargé de Mission Atlas Mammifères d'Auvergne, Groupe Mammalogique d'Auvergne.

Cliché du castor découvert à La Tuilerie en 2005 (collection du Muséum d'Histoire Naturelle de Clermont-Fd)


vendredi 19 octobre 2012

Les Enfants de Thagaste (Isserpent)

Retour sur une tranche de vie aujourd'hui oubliée : en pleine Guerre d'Algérie, durant deux étés (1958 et 1959), plusieurs dizaines d'enfants de la ville de Thagaste (actuelle Souk-Ahras) vinrent en colonie de vacances à Isserpent.

 
Remerciements à Monsieur Gilbert Quaranta, Président de l'Association Les Enfants de Thagaste.

site de l'association : www.thagaste.com
Blog de l'association : http://thagaste.blogspot.fr


S. HUG

dimanche 14 octobre 2012

Atlas historique du Bourbonnais sous l'Ancien Régime : Les "Bons Pays" (Deuxième Partie)

Vu de l’extérieur, ces « Bons Pays » formaient une terre de passage entre le nord et le sud du royaume. Dans ce Bourbonnais des voyageurs, des pèlerins, des auberges, des relais de postes et des bacs, l’altérité télescopait sans cesse l’ordinaire du village et de la ville. Le long des routes royales de Paris à Lyon et de Paris à Clermont, doublées par la voie d’eau de l’Allier, la vie semblait plus vive qu’au cœur des campagnes. Si les nouvelles et les « novelletés » (les innovations) s’y répandaient plus vite, l’ouverture engendrait également des menaces. Alors qu’au XVIIe siècle le passage fréquent des troupes semait encore la crainte parmi les populations, les risques épidémiques et le brigandage jetèrent leur ombre sur ces grandes routes jusqu’au début du XIXe siècle. Toujours est-il que le cœur économique du Bourbonnais s’étendait ici, vivifié par une étonnante activité commerciale. En 1698, l’Intendant Le Vayer notait ainsi : « La consommation sur la grande route de Paris à Lyon et Auvergne ne se peut évaluer, mais elle produit des sommes extraordinaires. » (1) Un peu plus d’un siècle plus tard, le Préfet Huguet dressait un bilan commercial particulièrement positif : « L’exportation des vins est considérable par Paris où ils se rendent par la rivière d’Allier, il s’en consomme aussi beaucoup dans les départements de la Creuse et du Cher et dans l’ancien Berry (…) L’exportation des grains est considérable dans ce département par Lapalisse, il verse à Lyon, Rouen [Roanne] et Marigny [Marcigny]. Lyon et Marigny consomment les fromens, les montagnes de Saône-et-Loire et de Rhône-et-Loire, les seigles. La route de Paris à Lyon est la ligne principale par laquelle s’exécutent ces transports. Par Saint-Pourçain et Gannat, route de Moulins à Clermont, il verse à Montferrand, Clermont et toute l’Auvergne dont le produit suffit rarement à sa consommation, accident que sa situation élevée rend assez fréquent. » (2) Les intendants de la Généralité se sont tous préoccupés de l’état et de l’entretien de ces deux grandes routes royales : « J’ai aussi visité le même chemin de Lyon pour connaître les ouvrages et cailloutages, escarpements, aplanissements de terre, rochers et autres qu’ils convient de faire pour rétablir le grand chemin de Paris à Lyon, soit parce que c’est une grande route, que parce que les carrosses de diligences y doivent passer cette année pour être faits pendant l’hiver pour donner moyen aux pauvres de subsister, suivant l’intention de sa Majesté, dont j’ai dressé un état avec le sieur Mathieu. » (Florent d’Argouges – 1686)
 
Néanmoins, par manque chronique de fonds et par manque de volonté politique, on se contenta pendant plusieurs décennies de parer au plus urgent en comblant ici les ornières les plus dangereuses ou en réparant là un pont menaçant ruine. Au début du XVIIIe siècle, dans une lettre adressée au Directeur des ponts et chaussées, l’ambitieux intendant d’Auvergne de La Grandville, n’hésita pas à brosser un tableau catastrophique de l’état du réseau bourbonnais afin de mettre un peu plus en avant sa propre action dans ce domaine : « On passe la rivière d’Allier à un endroit appelé le port de La Corde, passage presque impraticable lors des crues d’eau, et où a péri cet hiver le carrosse de voiture ; de là on passe à Saint-Pourçain, Gannat et Aigueperse, le tout dans la généralité de Moulins, ce qui est un pays fort gras et où les chemins sont impraticables lorsqu’il a plu deux heures… MM. Les Intendants du Bourbonnais n’ont jamais fait attention aux chemins de leur généralité, attendu qu’ils ont toujours regardé cette partie comme absolument séparée d’eux. (…) Il serait même à souhaiter qu’on put éviter le passage du port de La Corde, ce qui pourrait peut-être se faire en réparant le chemin depuis Saint-Pourçain jusqu’à Moulins en passant par Chatelneuve (Châtel-de-Neuvre), en deçà de la rivière, et on la passerait ensuite au bac de Moulins… ou sur un pont qui s’y pourrait construire… » (3) Il fallut attendre les années 1740 pour voir la monarchie donner à ses intendants les moyens de mener une véritable politique routière (voir carte ci-dessous). Au-delà de sa pure dimension urbaine, la construction du pont Régemortes (1755-1758) à Moulins constitue le symbole de cette volonté d’améliorer l’état des routes royales en Bourbonnais.
Douze années après la chute de l’Ancien régime, le Préfet Huguet considérait l’œuvre accomplie comme un atout économique : « En général les routes, quoique dégradées sur plusieurs points de ce département, y sont mieux soignées et mieux entretenues que dans les départements circonvoisins. Le sol naturel est plus solide, moins gras, moins humide et généralement graveleux. Les routes qui, à quelques parties près, sont assez roulantes, sont entretenues d’un gravier un peu menu, mais fort sec, au moyen des pentes généralement bien ménagées et à cela près quelques ponts et ponteaux provisionnels en bois et en pierre sèche qui de temps en temps ont besoin de réparations provisoires. Il n’en est point d’importantes à faire dans ce département si ce n’est au pont de Saint-Pourçain, route de Paris à Clermont. » (4)


(1)- Intendant Le Vayer, Mémoire cité, p. 160.
(2)- Préfet Huguet, op. cité, pp. 9-10.
(3)- in, F. Imberdis, Le réseau routier de l’Auvergne au XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1967, 351pages.
(4)- Préfet Huguet, op. cité, pp. 54-55.

dimanche 7 octobre 2012

Le Pont romain (Droiturier)

Photo de l'auteur
Situé sur le chemin de Sans-Chagrin, ce petit pont en dos d'âne, à une seule arche est dépourvu de parapet. Jusqu'à la mise en service du Pont de la Vallée en 1758, ce fut ici que la route royale de Paris à Lyon traversait l'Andan. La tradition locale veut que cet ouvrage soit d'époque romaine.A dire vrai, ses caractères architecturaux vont plutôt penser qu'il remonte à l'époque médiévale. Pendant de longues années, le Pont romain fut enfoui sous une épaisse végétation, mais au début des années 1980, il fut l'objet d'un regain d'intérêt et fut finalement classé Monument Historique en 1984.

S. HUG

samedi 6 octobre 2012

25 mai 1941: les fêtes de Jeanne d'Arc

L'Etat Français avait fait de Jeanne d'Arc l'héroïne tutélaire de la Révolution nationale dont le but était de régénérer la Nation abattue après les épreuves de la défaite, de la débâcle et de l'occupation. Le 25 mai 1941, la municipalité de Charles Rousset organisa de grandes cérémonies en l'honneur de la Pucelle. Avec le concours des troupes du 15-2, dont une compagnie stationnait depuis bientôt une année à la Petite-Gare, des Enfants de Marie, des jeunes gens du Cercle de Saint-Gonzague, des Légionnaires lapalissois (comprenez dans la terminologie de l'époque, les Anciens Combattants), ce fut sous une pluie fine que se déroulèrent les défilés et les rassemblements en plein air au profit du Secours National et des prisonniers de Guerre.


Clichés du photopgraphe lapalissois Henri Besson



S. HUG

vendredi 5 octobre 2012

Légende d'automne : Montmorillon (Arfeuilles)

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Philippe de Guillard, seigneur de Montmorillon, fut l'un de ces hobereaux pendus haut et court par les rédacteurs des premiers manuels scolaire de la Troisième République : il personnifia en effet dans la région d'Arfeuilles tout ce que les hommes de la Révolution haïssaient dans l'Ancien Régime.

Présenté comme perfide, cupide, immoral et cruel, Philippe de Guillard ne fut en réalité que faux-monnayeur. Assiégé dans son château par les troupes royales, poursuivi et finalement appréhendé pour ce crime de lèse-majesté en 1616, notre seigneur réussit à s'enfuir de la prison royale de Bourges et gagna les Pays-Bas Espagnols. Philippe de Guillard fut condamné à mort par contumace et Montmorillon fut démantelé afin de ne plus offrir de refuge au seigneur hors-la-loi et de montrer la détermination de la monarchie face aux velléités des féodaux.

Ruiné, le château de Montmorillon continua néanmoins à être le siège "fantôme" d'une seigneurie qui fut un temps incorporée au marquisat de La Palisse.

Le démantèlement politique de Montmorillon finit par se perdre dans la légende. Au XIXe siècle, on racontait en effet dans la Montagne bourbonnaise que le seigneur des lieux, surnommé l'Avaleur, enleva une jeune bergère, la Joquette, originaire du village Chez Chabroche et disparut de la région avec elle. Quelques mois plus tard, le seigneur et la bergère, devenus amants, revinrent dans la Montagne. La dame de Montmorillon feignit de pardonner l'infidélité de son mari et organisa une fête en l'honneur de son retour et y confia la Joquette. Sur les coups de minuit, alors qu'une tempête se levait, toute la charpente du château s'effondra, entraînant dans sa chute le haut des murailles. La légende raconte que le matin de cet ultime banquet, la dame de Montmorillon paya un charpentier pour ôter la totalité des chevilles de la charpente sauf une qu'elle fit sauter à Minuit...

Les jours de veillées, dans la Montagne d'autrefois, on avait l'habitude de raconter que les soirs de grand vent on pouvait voir circuler un fantôme blanc dans les murailles et monter la voix de la Joquette.
Vision romantique de Montmorillon au XIXe siècle

jeudi 4 octobre 2012

Atlas historique du Bourbonnais sous l'Ancien Régime : Les "Bons Pays" (Première partie)


Les « Bons Pays » bourbonnais dessinaient une patte d’oie posée au cœur de notre province. Le val d’Allier formait la branche principale de cet ensemble d’où se détachaient deux ramifications à la hauteur du bec de Sioule. Tandis qu’à l’ouest, les « Bons Pays » s’organisaient autour de la vallée de la Sioule et de la dépression de la Limagne bourbonnaise, à l’est, la route royale de Paris à Lyon, formait l’axe majeur de la Forterre. Dans l’ancienne France, le « Bon pays » était avant tout une terre à céréales ou du moins, un pays de polyculture dominée par des productions céréalières (froment, seigle, avoine) capables de nourrir de fortes communautés villageoises. On peut ainsi estimer que ces « Bons Pays » bourbonnais concentraient durant l’époque moderne près des deux tiers de la population des élections de Moulins et de Gannat (143 000 habitants à la fin du XVIIe siècle – 250 000 habitants à la fin du XVIIIe siècle) et sans doute la moitié de la population totale du Bourbonnais (180 000 habitants à la fin du XVIIe siècle - 320 000 habitants à la fin du XVIIIe siècle). Dans le pays gannatois d’A. Freydeire, (1) la densité moyenne en 1789 était de 60-70 habitants par kilomètre carré soit un peu plus du double de la moyenne généralement retenue pour le Bourbonnais à la même date. Les fortes densités rurales des « Bons Pays » étaient renforcées par un solide maillage urbain. Si l’on excepte Montluçon, toutes les villes importantes de la province se trouvaient dans cet espace. 

Vue du pays gannatois

 Tous les observateurs de l’époque moderne ont insisté sur la complémentarité de l’économie agraire de ces « Bons Pays ». Nicolas de Nicolay dans sa Générale description du Bourbonnais (1569) notait ainsi que la châtellenie d’Ussel était « située en bon païs gras et fertile en bledz, vins, foings, huilles et autres fruictz », Gannat se trouvait au centre d’un pays fertile où « du cousté d’orient de ladicte ville y a la belle plaine, terres fortes à froment, prez et grandz paccaiges et sur la montagne entre l’occident et le septentrion sont les grandz vignobles de longues estendues qui produisent abondance de bons vins et délicieux. » (2) Dans son Mémoire de la Généralité de Moulins (1698), l’Intendant Le Vayer notait à son tour : « le pays est uni d’une terre fertile principalement en fruits, blés et seigle, surtout la châtellenie de Murat, tout le côté de Varennes et La Palisse sur le grand chemin de Lyon. » (3) Cette variété et cette complémentarité des productions prenaient place dans le cadre d’une rotation triennale des cultures : « Les terres d’une ferme sont divisées en trois parties, chaque année, l’une de ces trois parties est dépouillée d’une récolte principale en bled ensemencée dans l’automne précédent. La seconde partie pour un tiers est chargée au printemps et ensuite dépouillée d’une récolte en orge, chanvre, avoine et fèves et les deux autres tiers restant en patureaux. La troisième est en culture préparatoire pour la semence de la récolte principale en bled de l’année qui suit. En cette seconde année, la première partie produit la récolte en orge, chanvre, avoine et fève, la seconde partie est mise en culture et ensemencée pour la récolte principale en bled de la troisième année. Ainsi une terre produit deux récoltes en trois ans. » (4) Certes, dans son rapport au Préfet de l’Allier, Jean-Marie Cossonnier, sous-préfet de Lapalisse, décrivait avant tout les systèmes culturaux de la Forterre. Cependant, la même rotation prévalait dans la région de Gannat et de Vichy et sans doute de façon plus ou moins dégradée dans la plupart des « Bons Pays » du Bourbonnais. Cette rotation triennale permettait d’intégrer des cultures nouvelles comme celle de la pomme de terre vers 1770 ou de réserver une place de plus en plus grande à la vigne, d’un rapport sans cesse croissant au XVIIIe siècle. Si la vigne était un élément essentiel des « Bons Pays », ce fut surtout dans le Saint-Pourçinois que la viticulture se renforça le plus durant l’époque moderne. Déjà réputés à la fin du Moyen Age, les vins de Saint-Pourçain continuaient à être appréciés sur les marchés urbains : « On exporte sur Paris 30 à 40 mille hectolitres de vin, embarqués principalement au port de La Chaise. Les rouges sont liquoreux et susceptibles d’être conservés longtemps, plus ils vieillissent, plus ils sont délicats. Il y en a chez les plus riches particuliers qui sont en bouteilles depuis 18 à 20 ans et qu’on ne distingue pas du meilleur Bourgogne. Les blancs sont aussi très bons : ce sont ceux que l’on connaît généralement à Paris sous le nom de vins de La Chaise. » (5) Ce vignoble s’étendait à la fin du XVIIIe siècle sur près de 8 000 hectares principalement plantés en Gamay lyonnais, dit « Petit Gamay ». La culture de la vigne gagna même à cette époque des bas-fonds exposés aux gelées tardives et des escarpements difficiles à mettre en valeur.
Même si les systèmes culturaux possédaient leur propre dynamique, les céréales ne cessèrent de demeurer omnipotentes, y compris à l’intérieur du vignoble Saint-Pourçinois. Dans le pays gannatois, les grains occupaient environ les 5/6e des surfaces cultivées et réservaient une place de choix aux céréales panifiables (2/3 de froment, 1/5 de seigle, 1/5 orge-avoine). Cependant, cette maîtrise du système triennal était contrebalancée par la faiblesse de l’outillage. En 1793, le commissaire Garnier, dépêché par la Convention afin de dresser un état du département de l’Allier, notait : « Les terres à chambonnages sont labourées avec des bœufs assez forts, mais des districts étrangers. Celles à seigle, qui sont les plus étendues, sont cultivées avec des vaches ou des bœufs médiocres. Les instruments de labour les plus connus sont les araires. Les uns portent une bêche horizontale très aigue, les autres un fer de lance, d’autres, enfin, un simple coin de forme ronde avec une pointe à l’un de ses bouts. La véritable charrue n’est en usage que dans quelques cantons des districts de Gannat et de Cusset. » (6)
La force du système triennal, malheureusement desservie par la médiocrité de l’outillage agricole, pose le problème des rendements et de la productivité du travail paysan. Dans son Tableau de la situation du département de l’Allier (an IX) le Préfet Huguet prit soin de différencier les fonds de vallées des croupes argileuses : « Les terres qui avoisinent cette ville [Moulins] sont cultivées par des jardiniers dont la culture à la bêche favorise beaucoup le produit des terres. Cette ressource pourrait s’approprier à toute la vallée de l’Allier, connue sous le nom de chambonnage. Les blés y sont beaux, mais leur produit très faible : il roule ordinairement de quatre à six pour un, semence prélevée. Le produit du bétail y est aussi peu considérable, les cultivateurs en sont généralement pauvres et n’ont que l’apparence de l’abondance du moment. Une maladie, des pertes de bestiaux, une mauvaise récolte, les obligent très souvent à s’endetter vis-à-vis des propriétaires. Beaucoup d’entre eux, devenus insolvables, restent simples manouvriers jusqu’à ce que les besoins de la culture, ou de nouvelles avances, les reportent à quelqu’entreprise (…) La nature riche et riante est partout en opposition avec la misère des cultivateurs dont le sort est plus heureux dans les parties hautes composées de terres fortes, d’un fond plus rembruni. Les chênes, sorbiers, noyers, coudriers qui s’y sont multipliés en font une scène plus riante. Les travaux y paraissent mieux étendus, l’aisance des habitants plus générale, leurs habitations mieux soignées, les prairies vastes et bien entretenues, les champs clos de haies vives tandis que la majorité des terres du département presque toutes les haies en bois mort ont le double désavantage de donner au pays un coup d’œil triste et de dégrader de plus en plus les bois environnans qui fournissent à ce genre de clôture. Les bestiaux y sont aussi plus beaux et bien supérieurs à ce qu’ils sont dans les autres parties. Malgré tous ces avantages, le froment qui en forme la principale culture n’y rend que de six à sept par an, semence prélevée, calcul fort en dessous de celui qu’on pourrait en attendre. Dans toutes ces terres fortes, les parties calcaires produisent beaucoup d’orge qui fournit à la majeure partie du pain qui s’y consomme. Dans les parties argileuses, on mange généralement du seigle et souvent un mélange de seigle et de froment. L’espèce d’hommes, mieux nourris, est en général plus belle et plus forte que dans les autres parties. » (7)

Comme le nota avec tant de justesse le commissaire Garnier, les structures foncières de ces « Bons Pays » étaient intimement liées au maillage urbain : « Les propriétés sont assez divisées aux environs des villes, mais pour peu qu’on s’en éloigne, il n’est pas rare de voir quinze à vingt domaines ou fermes entre les mains du même propriétaire. Les petites fermes étant plus aisées à exploiter que les grandes et faisant proportionnellement une plus grande quantité de fumiers, sont mieux cultivées que les grandes. » (8) Du coup, la noblesse et la bourgeoise des villes des « Bons Pays » (Moulins, Gannat, Saint-Pourçain, Cusset, Vichy, Varennes, Lapalisse) dominaient largement la répartition de la propriété en constituant, par un lent travail de rassemblement parcellaire, des exploitations de 20 à 50 hectares louées de 500 à 1 000 livres par an. Face à ces gros domaines agricoles, la paysannerie ne disposait souvent que de petites exploitations (de 2 à 10-15 hectares) fragmentées sur plusieurs terroirs. D’une façon globale, on peut estimer que 25 % du sol appartenait à la noblesse, 25 % à la bourgeoisie urbaine et rurale, 10 % au clergé et, enfin, 40 % à la paysannerie, alors que cette dernière représentait environ 80 % de la population). 

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. Commentaire de la carte : Le maillage très serré des ports fluviaux, des bacs, des relais de postes, des lieux de foires et de marchés faisait des « Bons Pays » le centre économique du Bourbonnais. Un réseau plus lâche d’hospices permettait tant bien que mal d’encadrer la pauvreté qui transitait le long des axes routiers. Enfin, ces « Bons Pays » constituaient le territoire bourbonnais le plus encadré par la monarchie qui profita amplement au XVIIe siècle de cette relative richesse pour pourvoir, aux frais des populations locales, au ravitaillement des troupes de passage (lieux d’étape).


(1)- Alfred Freydeire, ouv. Cité.
(2)- Nicolas de Nicolay, Générale description du Bourbonnais, Paris, 1569, pp. 73-88.
(3)- Mémoire de la généralité de Moulins par l’Intendant le Vayer (1698), Moulins, Crépin Leblond, 1902, p. 8
(4)- A. D Allier, Md 10, Lettre du 26 février 1810 du sous-préfet de La Palisse.
(5)- in, Augustin Leclerc, Châtel-de-Neuvre et sa région, Moulins, 1882, p. 50. Lettre de Me Andrivand, notaire à  Saint-Pourçain (Thermidor an XII).
(6)- Rapport du Citoyen Garnier (an II), Bulletin de la société émulation du Bourbonnais, 1898, p. 349.
(7)- Préfet Huguet, Tableau de situation du département de l’Allier (an IX), Bibliothèque nationale, version numérisée sur Gallica.fr. 68 pages.
(8)- Rapport du Citoyen Garnier, op. cité, p. 350..