jeudi 31 mai 2012

Les Carnets de Borvo : Vichy-VVA

Alors que Moulins conserve encore des traits balzaciens, alors que l’imaginaire bourbonnais continue à ne voir en Montluçon qu’une ville exclusivement dominée par l’industrie, Vichy plonge très souvent le visiteur dans une dimension intemporelle, volontiers sophistiquée, que seules possèdent les cités thermales et balnéaires. Cependant, durant les vingt dernières années, peu de villes françaises ont réussi à retravailler leur image autant que Vichy. Alors qu’à la fin des années 1980, cette cité thermale était en déclin, le volontarisme du nouveau maire élu en 1989, Claude Malhuret (UDF), associé à l’ensemble des acteurs locaux du tourisme et de l’accueil, a permis de rénover la vocation de la ville en la positionnant sur le créneau porteur du bien-être. Certes, la fréquentation annuelle des touristes n’a pas véritablement augmentée, mais la plus-value économique lors de chaque séjour est désormais plus importante.

A la tête d’une communauté d’agglomération de 78 000 habitants (4eme d’Auvergne après Clermont-Ferrand, Montluçon et Aurillac) répartis sur 23 communes, Vichy (25 500 habitants contre 30 500 en 1982) appartient à la grande dorsale auvergnate qui courre d’Issoire à Moulins en passant par les Limagnes et le Val d’Allier et qui est marquée par des densités démographiques soutenues et des revenus moyens plus élevés que la moyenne régionale. La ville de Vichy est cependant confrontée à une vraie problématique démographique : 60 % de sa population a plus de 60 ans. Alors que Vichy perd naturellement des habitants, presque toutes les communes de sa communauté d’agglomération voient leur population augmenter. Politiquement, si Vichy est une ville de droite, sa périphérie proche longtemps ancrée à gauche (Bellerive-sur-Allier 8 600 habitants fut tenue par le PS Jean-Michel Guerre de 2001à 2014 et Cusset 13 000 habitants, fut tenue les PCF René Bardet et Pascale Semet entre 2001 et 2014) a basculée à droite au printemps 2014 avec les élections à Cusset du jeune avocat Jean-Sébastien Laloy et de Jérôme Jouannet à Bellerive. La structure communautaire, Vichy Val d’Allier (VVA) créée en 2001, fut présidée jusqu'en 2014 par Jean-Michel Guerre avant de passer entre les mains de Claude Malhuret.

La desserte de l’agglomération vichyssoise pose encore problème. Située à 300 kilomètres de la capitale (2 h 30 par Corail Téoz), Vichy est l’une des très rares agglomérations françaises de plus de 70 000 habitants à n’être pas reliée au réseau autoroutier. Le projet d’une bretelle autoroutière (A 719) reliant Vichy à l’A 71 est programmé pour 2014. De plus, l’aéroport de Vichy-Aulnat, situé à 5 km du centre ville, enregistre un trafic limité. En juin 2009, un pôle d’échange intermodal d’agglomération a par ailleurs été inauguré en gare de Vichy.
L’aire d’attraction commerciale de Vichy s’étend grosso modo de Varennes-sur-Allier au Nord, à Randan au Sud, du Bassin gannatois à l’ouest à la région lapalissoise à l’est. La force des commerces vichyssois réside en grande partie dans leur ouverture dominicale accordée depuis des décennies par autorisation préfectorale.
Si l’éventail des formations offertes dans les lycées du bassin vichyssois est somme toute relativement traditionnel, en revanche, le Pôle universitaire Lardy, créé en 2001 (800 étudiants), permet à la ville de posséder une antenne supérieure sur laquelle beaucoup d’espoirs sont placés. Vichy possède également trois autres équipements qui lui permettent d’élargir son rayonnement au niveau national et même international. Il s’agit tout d’abord du CREPS Vichy-Auvergne (Centre Régional d’Education Populaire et de Sport), créé en 1972, qui accueille des formations dans les métiers du sport et des stages pour sportifs de haut niveau. Du CAVILAM (Centre AudioVisuel de LAngues Modernes), créé en 1964 et qui depuis 2001 a intégré les locaux du Pôle Lardy. En quarante ans, le CAVILAM a formé aux Langues près de 90 000 étudiants venant du monde entier (moyenne annuelle actuelle de 4 000-5 000 étudiants). Et enfin, du Palais des Congrès sur lequel la ville de Vichy mise beaucoup afin de continuer à retravailler son image (www.congrès-vichy.fr).
Alors que le paysage médiatique de Vichy se résume à la seule agence de La Montagne, la vie culturelle vichyssoise, encensant régulièrement la carrière brisée de l’écrivain Valéry Larbaud, marque le pas depuis quelques années en raison du vieillissement de ses cadres : Université Populaire et SHAVE notamment.
L’économie du thermalisme. Les eaux du bassin de Vichy sont naturellement chargées en bicarbonate de sodium et en gaz carbonique et leur usage thérapeutique est reconnu dans le traitement des rhumatismes et de nombreuses infections du foie, de la vésicule biliaire, du pancréas, de l’estomac et des intestins. A l’heure actuelle, 64 % des curistes vichyssois viennent pour soigner des rhumatismes et 36 % pour des troubles liés au système digestif. Il existe onze sources principales : Mesdames, Célestins, Parc, Lardy, Lucas, Hôpital, Grande-Grille, Chomel, Boussange, Lys et Dôme. Dès l’époque gallo-romaine, Aquae Calidae, était un petit vicus doté de thermes et où prospérèrent au IIe siècle des ateliers de potiers. L’activité thermale durant le Haut Moyen-Age et la période médiévale semble avoir reculée et elle ne laissa que peu de traces archéologiques. En revanche, dès les XVIIe-XVIIIe siècles, Vichy (comptant alors 1 000 habitants) devient un lieu de cures de plus en plus fréquenté. Le véritable boom de Vichy est lié aux séjours de Napoléon III (1861, 1862, 1864 et 1866). En quelques années, des hôtels sont construits, des villas sortent de terre, les sources sont couvertes, des parcs et des promenades sont tracés (1862), enfin, un casino est construit (1864-1865) ainsi qu’un opéra (1903). Vichy est considérée par la Presse comme la Reine des Villes d’eau durant la Belle Epoque (40 000 curistes en 1900, 100 000 en 1914). Le déclin du thermalisme vichyssois débute réellement au lendemain de la Libération et prit rapidement l’aspect d’un mouvement inéluctable lié à la fin de l’Empire colonial français (les colons les plus fortunés avaient l’habitude de prendre leurs quartiers d’été à Vichy afin de corriger les méfaits des climats tropicaux sur leur organisme) et à l’évolution des soins médicaux : si l’on comptait encore 70 000 curistes en 1946, il n’y en avait plus que 30 000 en 1965 et environ 12 000 par an dans les années 2000.
La Compagnie Fermière de Vichy, créée en 1853, gère par convention le domaine thermal qui appartient à l’Etat et exploite à la fois les thermes et l’embouteillage des eaux. Employant jusqu’à mille personnes dans l’Entre-deux-guerres, la Compagnie Fermière passa sous le contrôle des Brasseries D’Indochine en 1954, puis sous celui du Groupe Perrier en 1967 et enfin du Groupe Castel en 1993. Depuis 2005, Jérôme Phelipeau, déjà PDG de l’entreprise, est devenu le principal actionnaire de la Compagnie. De nos jours, la Compagnie Fermière ne gère plus directement que l’embouteillage (250 millions de litres d’eaux minérales par an – Vichy Célestins et Saint-Yorre principalement) et n’emploie plus que 200 personnes pour un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros annuels. Alors que la gestion des structures d’hébergement est en grande partie passée aux mains du groupe hôtelier ACCOR, le Casino est quand à lui exploité par le Groupe Partouche.


Le thermalisme Vichy est principalement organisé autour de trois structures d’accueil : Le centre Callou, inauguré en 1990, 21 000 m², 144 cabines de soins individuels, une capacité de 15 000 curistes/an, Les Dômes, inauguré en 1991, 43 cabines de soins individuels, une capacité de 3 500 curistes/an et les Célestins, inaugurés en 1993, spécialisés dans la remise en forme, une capacité de 14 000 curistes.
Le bassin d’emploi vichyssois fut autrefois dominé par deux grandes entreprises : la Manurhin et la Sédiver.
La Sédiver. En 1898, une verrerie produisant des bouteilles fut créée à Saint-Yorre. En 1928, l’usine se spécialisa dans les isolateurs électriques en verre. En 1982, la Ceraver fut rachetée par le groupe italien Fidenza, puis passa entre les mains du Transalpin Intek et enfin, en 2002, finit par être contrôlé par le groupe italien Vetroarredo. Début 2004, la fermeture de la Sédiver (300 employés) est annoncée. Début juillet 2005, le four est définitivement arrêté.
La Manurhin (Manufacture des machines du Haut-Rhin), créée en 1915 à Mulhouse, implanta une usine de munitions (une centaine d’emplois) à Cusset en 1938 sur le site des Graves. A la fin des années 1970, la Manurhin emploie 2 200 personnes aux Graves et sur le site de Montpertuis (communes de Charmeil et Bellerive). En 1982, Matra devient actionnaire principal de la Manurhin et devient Matra Manurhin Défense. En 1983, un premier plan social entraîne le départ de 400 personnes. A partir de 1990 et l’intégration de la Manurhin dans GIAT Industries provoque une succession de plans sociaux qui firent qu’au de 2003, la Manurhin s’employait plus que 345 employés. En 2006, le site fut définitivement fermé et les productions redéployées à Bourges.
Le bassin d’emploi de Vichy est actuellement dominé par le Centre Hospitalier (1100 emplois), CAP (Cosmétique Active Production) ex- LIDV (Laboratoires Industriels De Vichy) site employant 500 salariés, appartenant à L’Oréal et créée en 1969 sur la zone de Vichy-Rhue, Peintamelec (Peinture Appliquée Mécanique et Electrique), groupe industriel de 500 personnes (dont 200 dans l’usine-mère de Creuzier-le-Vieux), créée en 1969, spécialisée dans la production d’armoires électriques et de tableaux de contrôles et la SERMETO (Société d’Etudes et de Réalisation de Matériel En Tôle Ouvrée), créée en 1962 appartient depuis 1989 au groupe américain Valmont, spécialisée dans la réalisation de candélabres, la SERMETO emploie 300 personnes sur ses sites de Charmeil et de Creuzier-le-Vieux.

Par ailleurs, six zones industrielles existent sur le territoire de Vichy Val d’Allier : le Bioparc d’Hauterive (35 ha dédiés à la santé, à la forme et au biomédical), Le Coquet à Saint-Germain-des-Fossés (45 ha – vocation industrielle et artisanal), Vichy-Rhue à Creuzier-le-Vieux (40 ha, vocation industrielle), La Croix-Saint-Martin à Vichy (1/2 ha – vocation artisanale et tertiaire- pépinière d’entreprises), Les Ancises à Creuzier-le-Neuf (69 ha – vocation industrielle – artisanale et tertiaire) et Le Davayat à Saint-Rémy-sur-Rollat (20 ha – vocation industrielle et artisanale).

vendredi 11 mai 2012

1713-1724 : une société lapalissoise à l'assaut des marais de la Limagne

-


La question de l'asséchement des marais sous l'Ancien Régime a été popularisée en 1996 grâce au film Ridicule de Patrice Lecomte dans lequel un jeune aristocrate de la Dombes, Ponce Ludon de Malavoye, monte à Versailles dans l'espoir de présenter au Roi son projet de dessèchement des paluds de son pays. En un temps, où la famine et les épidémies rôdaient encore, la suppression des grandes étendues marécageuses revêtait une importance capitale : elle permettait à la fois de gagner de nouveaux espaces arables et de faire disparaître autant de nids à miasmes. Cette lutte pluriséculaire ne concerna pas seulement les littoraux atlantique et méditerranéen, elle se développa également à l'intérieur des terres en des lieux aujourd'hui insoupçonnés. Ainsi, dès le début du XVIIe siècle, la plaine de la Limagne, alors en grande partie occupée par de vastes zones humides, fit l'objet de plusieurs projets d'assèchement.

-

En 1713, Louis Saladin, ingénieur de la province d'Auvergne, originaire de La Palisse, échafauda un grand projet d'assèchement portant sur cinq marais de la Limagne : celui d'Auranches, de Thuret, de Coeur, d'Ennezat et de Gerzat, soit 4739 arpents et 385 toises (près de 2 500 hectares) pour un coût estimé à 30 000 livres tournois. Afin de financer et mener à bien ce projet, Louis Saladin jeta les bases d'une société (une compagnie comme on disait à l'époque) avec trois autres personnages : Antoine Leblanc, bourgeois de La Palisse, receveur des fermes du bureau forain de la ville, le Marquis de Castries, courtisan influent et le Comte de Corswarent, ancien colonel en retraite à La Palisse. La future société reçues les Lettres patentes tant espérées le 29 janvier 1720 ce qui permit de finaliser sa structure. Réduite à trois associés en 1719 après la mort d'Antoine Leblanc, le Comte de Corswarent céda sa participation en mars 1720 au Marquis de Chalmazel. Lorsque l'acte de fondation de la Société d'assèchement de la plaine de la Limagne fut enfin enregistré à Paris, le 8 mai 1720, devant Me Lefèbvre, la compagnie avait considérablement évolué depuis le lancement du projet de Saladin : le Marquis de Chalmazel possédait désormais 4/9e le la société, le Marquis de Castries 3/9e et Saladin 2/9e. L'évolution de cette compagnie nous montre bien que l'aristocratie d'Ancien Régime, contrairement à une idée reçue, ne dédaignait aucunement participer à des opérations capitalistes (Traite des Noirs comprise !). De telles intrusions dans le monde de l'argent n'entraînaient en rien la dérogeance de la lignée noble. Cependant, "faire de l'argent" était en désaccord avec le style de vie de la nobilitas, pour contourner cette barrière mentale, il était d'usage d'utiliser des prête-noms qui couvraient les véritables financiers et donneurs d'ordres. Ainsi, le 8 mai 1720, en l'étude de Me Lefèbvre, ce fut un certain HubertGaillard qui représenta les associés et apposa sa signature.

-
Le périmètre du projet de Saladin (extrait de la feuille 52 de la carte de Cassini - 1755)

-

Entre temps, le Parlement de Paris avait lancé une enquête de commodo et incommodo dans les paroisses de la Limagne afin de savoir si le projet de Saladin ne risquait pas de détruire des usages ancestraux ou de supprimer certains droits de parcours. Des voix ne tardèrent pas à se faire entendre. Plusieurs seigneurs s'inquiétèrent par exemple de voir l'administration royale empiéter sur leurs terres, des grands propriétaires regardèrent d'un mauvais oeil ce qui constituait pour eux une avancée de la fiscalité d'Etat, enfin, des paroisses, telles celles de Saint-Beauzire et de Gerzat, s'émurent de la disparition programmée de leurs espaces de parcours ce qui les auraient conduit à vendre une grande partie de leurs troupeaux ovins et, à terme, à assister impuissantes la fonte des revenus liés à la vente des lainages. Bref, devant un tel front du refus, le 23 juin 1724, l'Intendant d'Auvergne, Bidé de la Grandville, décida d'enterrer le projet de Saladin. La Société de la Plaine de la Limagne ne vécut donc que sur le papier. L'asséchement de la Limagne débuta véritablement à la fin du XVIIIe siècle.


S. HUG


vendredi 4 mai 2012

Saint-Louis 1814 ou le retour en grâce des Bourbon.

-
Quatre mois après le départ de l'Ogre napoléonien pour l'île d'Elbe, les Lapalissois fêtent en bon ordre la Saint Louis, qui deviendra sous la Restauration un prototype de fête nationale.




(Extrait du Bulletin départemental de l'Allier du 1er septembre 1814)

-