dimanche 3 novembre 2013

1640 : révolte antifiscale à Moulins.



Le plus étonnant dans la révolte actuelle des Bonnets rouges bretons ce n'est pas tant l'explosion sociale, qui tôt ou tard devait arriver, que la résurgence d'un symbole enfoui dans la mémoire bretonne depuis près de quatre siècles : preuve éclatante que l'identité de cette région est une réalité vivante. Ce symbole nous renvoie donc à une révolte populaire du XVIIe siècle dirigée contre la fiscalité royale et notamment contre le Papier timbré, c'est-à-dire une marque fleurdelisée et taxée qui officialisait les actes judiciaires ou notariaux. Sous l'Ancien Régime, près de 40 % des insurrections, révoltes, émotions ou autres soulèvements populaires furent liées au refus de la fiscalité royale (Jean Nicolas, La rébellion française, PUF, 2000). Si toutes les provinces du royaume furent touchées par ces mouvements souvent spontanés, la palme de l'agitation antifiscale  revint au Bassin parisien, à la Bretagne et au Languedoc. Sous l'Ancien Régime, alors que le Bourbonnais était réputé plutôt calme, les révoltes antifiscales y furent pourtant présentes : huit furent répertoriées par André Leguai entre 1610 et 1709. La révolte moulinoise de 1640 fut la plus sérieuse.

Le 23 juin 1640, le « menu peuple » s'assembla avec « armes à feu » et se transporta au logis du petit dauphin, situé au faubourg d'Allier, où résidait Jacques Puesche, « commis à la levée des taxes sur les aisés ». Les émeutiers assassinèrent Puesche et « quelques autres de sa compagnie », puis volèrent les « deniers que ledit defunt Puesche avait alors recueillis ». Selon les pièces de procédure, les maire et échevins qui se portèrent sur les lieux, furent accueillis à coups d'arquebuses et de mousquets. Un échevin fut d'ailleurs grièvement blessé. Au total, l'historien soviétique Boris Porchnev, spécialiste des révoltes populaires du Grand Siècle, estima qu'une dizaine de personnes trouvèrent la mort lors de cette journée particulière.

Pendant les premières semaines de la sédition, qui dura plus de deux mois,  l'attitude de la  municipalité moulinoise et de la garde bourgeoise fut loin d'être en adéquation avec les dépositions consignées lors de la sortie de crise. Le combat contre la fiscalité royale étant favorable à leurs intérêts, les édiles se montrèrent au début de l'agitation plutôt conciliants vis-à-vis des émeutiers. Mais voyant qu'aucune solution de sortie de crise n'était envisageable face à l'Etat royal, la position de la bourgeoisie moulinoise évolua peu à peu, notamment après le 15 juillet où lors d'une nouvelle émeute plusieurs « bonnes maisons » furent pillées par la foule en colère. La situation ne fut reprise en main que dans la nuit du 24 au 25 août durant laquelle trois des chefs de la révolte, Rivet, Moladier et Bernardon furent arrêtés par la garde bourgeoise, jugés sommairement et exécutés. De violents échauffourées se déroulèrent alors aux portes de la ville où deux émeutiers trouvèrent la mort. Dans les jours qui suivirent trois régiments envoyés par le Prince de Condé prirent garnison chez l'habitant afin de réduire à néant les velléités de la ville. La justice royale fit alors son œuvre : plusieurs condamnations aux galères, au bannissement et à de fortes amendes furent prononcées. Cependant, comme souvent sous l'Ancien Régime, le roi, par le biais de Lettres de rémission, gracia une grande partie des  condamnés.

S. HUG

HUGSTEPHANE@aol.com 

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