vendredi 26 septembre 2014

La lutte contre la poubelle atomique de Saint-Priest-Laprugne

En février dernier, la marche médiatisée de Jean-Dominique Barraud, maire de Lavoine,  qui rallia sa commune à la Capitale afin de protester contre un projet d'AREVA visant à assécher le lac de vingt hectares qui recouvre le site de l'ancienne mine d'uranium de Saint-Priest-Laprugne puis à combler la dépression avec des terres de remblais a ravivé dans la Montagne bourbonnaise et bien au-delà le spectre de la Poubelle atomique. 


Ce combat prit naissance à la fin des années 70. En 1979, la COGEMA, planifiant pour 1981 la fin de l'exploitation de la mine d'uranium de Limouzat (ouverte en 1955 sur la Saint-Priest-Laprugne), lança le projet de reconvertir le site en un lieu de stockage de déchets radioactifs. Si à l'époque, une minorité des Prugnards était favorable à ce projet qui, selon eux, aurait pu maintenir une certaine vitalité dans leur commune,un vent de colère ne tarda pas à se lever sur les Bois Noirs où un Collectif fut créé en 1980, notamment par Arlette Maussan. 

Manifestation dans le bourg de Saint-Priest-Laprugne en juin 1980 contre le projet de la COGEMA
A voir également le reportage de l'époque de FR3 Auvergne

De toutes les actions menées par le Collectif des Bois Noirs, je garde le souvenir, comme quelques Lapalissois, d'une manifestation organisée un samedi de foire à Lapalisse en octobre 1980. Les manifestants tambourinant sur des bidons vides organisèrent ce jour là une "opération escargot" sur la place du Moulin. Un incident ne manquant pas de piquant ponctua d'ailleurs cette après-midi d'octobre. Revenant de Lyon dans un véhicule chargé de matériel nautique, le navigateur Eric Tabarly, tomba nez-à-nez sur le barrage des manifestants. Décidant de passer en force, un opposant se coucha alors sur le capot de la voiture de Tabarly et franchit ainsi, en douceur, le pont de Lapalisse, ce qui lui valut par la suite le titre de gloire d'avoir été "le premier à avoir traversé la Besbre avec Tabarly".
Finalement, le projet de la COGEMA fut abandonné en 1984. Depuis lors, le Collectif des Bois Noirs ne baissa jamais la garde face aux dangers liés aux radiations. 

S. HUG

mardi 16 septembre 2014

Louis Morel, ou le saut dans la modernité



(Noirétable 1835 - Lapalisse 1898)

Officier académique

Maire de Lapalisse de 1878 à 1892

Membre de la Commission municipale en septembre 1870

Conseiller municipal de 1871 à 1877



Cet homme des montagnes du Haut-Forez fut le véritable promoteur lapalissois de l'esprit de progrès qui caractérisa le XIXe siècle. En faisant le choix de la vapeur, en cherchant inlassablement à transformer le visage de sa ville d'adoption et en créant la première société mutuelle, Louis Morel peut être considéré à juste titre comme l'inventeur du XXe siècle lapalissois.
Né à Noirétable (Loire), mais ayant grandi à Thiers (Puy-de-Dôme) où ses parents tenaient une épicerie-droguerie, Georges-Louis-Sébastien Morel s'installa à Lapalisse en 1865, à l'occasion de son mariage avec Anne Aufrère, fille de Simon Aufrère, à la fois teinturier, négociant en tissus et propriétaire de quelques métiers à tisser des cotonnades. Profitant de l'arrivée du chemin de fer (1856-1858) qui facilitait désormais l'approvisionnement en coton, le tissage s'était en effet rapidement développé à Lapalisse, importante place d'échanges agricoles. Peu après 1865, Louis Morel et Simon Aufrère créèrent, Place du Moulin, un atelier de tissages de droguet (étoffe de coton plutôt grossière dont la résistance s'accommodait justement avec la dureté des travaux des champs) dont les métiers étaient mus par la vapeur.
Profitant de la faillite et de la disparition du minotier, manieur d'argent, Emile Dereure (1834-1874), propriétaire du Moulin de la Ville, Louis Morel et Simon Aufrère rachetèrent l'édifice et relancèrent la production. Ainsi, en l'espace de moins de dix ans, la famille Morel-Aufrère réussit à constituer, au pied du château, un "enclos industriel" réunissant une minoterie de belle taille et une filature de cotonnades renommée.
La carrière politique de Louis Morel débuta en septembre 1870 à l'occasion de la chute de l'Empire. Il fit alors parti de la Commission municipale, choisie par le nouveau pouvoir, et ne regroupant que des Républicains (Emile Dereure, minotier, Felix Lavenat, chapelier et Claude Lefaucheur, fils de la receveuse des Postes, deux fois transporté en Algérie en 1852 et 1858, puis placé sous résidence surveillée à La Pacaudière). Élu conseiller municipal en 1871, Louis Morel devint alors l'un des pivots de la vie communale.
Le Docteur Meilheurat (1804-1884), un modèle de longévité politique, occupait la Mairie et le siège de Conseiller général du canton depuis 1834. Ayant traversé les dernières années de la Restauration, la Monarchie de Juillet, la Deuxième République et le Second Empire, Pierre-Antoine Meilheurat conserva son poste de maire après septembre 1870, mais son pouvoir local commençait à être sérieusement écorné par les Républicains locaux. Le coup de grâce fut porté en novembre 1877 lorsque, après l'écrasante victoire des Républicains aux Législatives, le Préfet de l'Allier démit le Docteur Meilheurat, jugé trop conservateur, de ses fonctions de maire. Désormais, plus rien ne pouvait plus empêcher Louis Morel de s'installer à la Mairie à la tête d'un Conseil municipal majoritairement républicain. Ce fut chose faite en janvier 1878.
Immédiatement après son élection, Louis Morel mit tout en oeuvre pour éveiller Lapalisse au progrès du siècle. En 1881, un abattoir et une usine à gaz furent inaugurés au quartier du Petit-Paris. En 1882, les premiers essais de macadamisation des rues sont effectués, en 1887, une halle métallique est édifiée sur la place du Marché, enfin, en 1888, des quais sont inaugurés sur la rive gauche de la Besbre en amont du pont. Dans un tout autre domaine, Louis Morel rattacha Lapalisse à l'élan mutualiste qui se développait alors en France en créant, en 1892, La Prévoyante, la première société de secours mutuels de la ville. Il en demeura Président jusqu'à sa mort en 1898.
Durant ses quinze années de mandat, Louis Morel put compter sur quelques hommes précieux : Felix Lavenat (1839-1909), adjoint à partir de 1878, Louis Méténier (1847-1892), Eugène Montagnier (1847-1910), adjoint à partir de 1888,le docteur Jacques Laborde (1834-1909), conseiller municipal et conseiller général du canton de Lapalisse de 1882 à 1885, Claude Berthelot (1859-1931), adjoint à partir de 1890. Lors de chaque crise politique, cette garde rapprochée fit bloc. Démissionnaire une première fois en mai 1882, la Mairie aurait dû revenir à Jacques Laborde, mais ce dernier refusa cet honneur pour éviter de tomber dans la spirale du cumul des mandats. Finalement, la place de maire échue temporairement au notaire Méténier. De retour en juillet 1883, Louis Morel démissionna une seconde fois en avril 1885. Cette fois-ci, il fut remplacé par Felix Lavenat jusqu'en juillet 1886. Passé 1892, date à laquelle Louis Morel prit du recul par rapport à la vie municipale, ce fut Eugène Montagnier, négociant en vins, qui domina la scène politique lapalissoise et "hérita" de la Mairie.


S. HUG

dimanche 7 septembre 2014

Jean Parillaud, maître d'école

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Jusqu’au début des années 1960 l’instituteur occupa une place centrale dans la société française. Héritier des Hussards noirs de la IIIe République, il était à la fois porteur de la morale républicaine et promoteur du progrès au sens le plus large du terme. Personne écoutée, auprès de qui on n’hésitait pas à prendre conseil, l’instituteur régnait sur l’école communale, maison commune où étaient dispensés des savoirs partagés par toute une Nation qui croyait encore en son destin. De tous les instituteurs lapalissois de l’après-guerre, Jean Parillaud fut sans doute celui qui marqua le plus de son empreinte l’école de l’avenue de la Gare.
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Jean Parillaud naquit à Courçais, près de Montluçon, en 1907 dans une famille de métayers qui exploitaient des terres pour le compte du baron de Courçais. En 1915, son père, François, enrôlé dans le 5ème Régiment d’Infanterie succomba à l’Hôpital militaire de Compiègne des suites d’une infection contractée sur le Front. Les cinq enfants Parillaud furent déclarés pupilles de la Nation en 1919. Jean Parillaud, l’aîné de la fratrie, fut alors poussé dans les études et entra en 1923 à l’École Normale d’Instituteurs de Moulins d’où il sortit, trois ans plus tard, armé de son Certificat d’Aptitude Professionnelle. Après avoir accompli ses obligations militaires, Jean Parillaud fut nommé en 1928 au Cours Complémentaire de Varennes-sur-Allier.
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Jean Parillaud lors de son service militaire en 1928
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Il épousa l’année suivante une jeune institutrice, Odette Ursat (1907-2000), fille d’un Directeur d’École de Vichy. Après dix années passées à Varennes-sur-Allier, le couple Parillaud fut nommé à Lapalisse afin de redorer le blason du Cours complémentaire de notre ville qui était encore à l’époque sous-préfecture.
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Jean Parillaud avec le Cours complémentaire de Varennes-sur-Allier en 1937
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Plutôt croyant, Jean Parillaud demeura attaché toute sa vie aux valeurs de la gauche socialiste. Il adhéra en 1926 au Syndicat national (CGT). En 1931, il devint membre du conseil syndical de la section départementale du SN puis du Syndicat national des instituteurs après 1935. Secrétaire général de la section de 1935 à 1937, puis secrétaire général-adjoint de 1937 à 1939, il fut délégué au comité consultatif. En 1936-1937, il collabora à L’École libératrice dans la partie pédagogique pour la rubrique « géométrie ». Gréviste avec son épouse le 12 février 1934, il approuva l’évolution vers le Front populaire sans toutefois adhérer à un parti politique ou à un comité antifasciste. Jean Parillaud et son épouse accueillirent également dans les salles de classe lapalissoises les adeptes des Auberges de Jeunesse.