samedi 9 mai 2015

In Mémoriam : Charles Gottlieb, grand résistant et passeur de Mémoire vient de nous quitter


Nous venons d'apprendre la disparition à l'âge de 90 ans de Charles Gottlieb, grand résistant juif, rescapé d'Auschwitz. Né en 1925 à Nancy, Charles Gottlieb et ses parents, se réfugièrent à Lapalisse en octobre 1939 au sein de la famille Besson. Au bout de quelques semaines, les Gottlieb s'établirent à dans une petite locaterie du hameau des Girauds sur la commune de Billezois. En juin 1942, Charles Gootlieb entra en Résistance en prenant le chemin de la Montagne bourbonnaise puis de la Montagne Thiernoise. Arrêté à Lyon le 25 juillet 1944, il fut torturé par Klaus Barbie avant d'être envoyé dans les camps de la mort. Libéré le 7 mai 1945, Charles Gottlieb ne pesait plus que 38 kilos. A partir des années 1990, Charles Gottlieb passa beaucoup de temps auprès de Collégiens et de Lycéens afin de témoigner de son expérience de la déportation.

S. HUG

vendredi 8 mai 2015

La Guerre de Claude Lafayette, territorial bourbonnais (fin)


Au-delà de ces préoccupations familiales, professionnelles et des démarches qu'il entreprit auprès de quelques compatriotes réputés influents afin d'être démobilisé, l'altérité distendit le réseau social de Lafayette et cela d'autant plus que, passé le mois de Décembre 1915 et son départ de Moulins, ses contacts (hors permissions) avec des Lapalissois devinrent extrêmement rares. A Roanne, Claude Lafayette pouvait encore rendre visite à des cousins de sa femme. A Moulins, en revanche aucun membre de sa famille. Néanmoins, dans ses deux premières villes de casernement, notre homme reçut à l'occasion la visite de quelques connaissances de Lapalisse venus sur les bords de la Loire ou de l'Allier pour affaires. Une fois envoyé dans l'Est, Claude Lafayette se sentit quasiment coupé de ses terres : "Dans ce régiment, nous ne sommes que deux de l'Allier, je suis avec le frère de Piat (M. Piat était buraliste-quincaillier, rue du Commerce à Lapalisse), puis cinq de Roanne ou des environs. Les autres sont Bretons et Parisiens. Tu vois que nous sommes bien mêlés." (Lettre du 6 mai 1916 de Bussy-aux-Bois) A Brienne, il se rapprocha du seul "pays" de la caserne : un nommé Boudaille, natif d'Arfeuilles.

Eloigné des siens, Claude Lafayette trouva, durant les dix derniers mois de son service, un profond  réconfort dans la pratique de la pêche à la ligne, véritable religion lapalissoise. Après plusieurs mois sans pouvoir s'adonner à sa passion favorite, Lafayette, arrivé à Gyé, se précipita sur les  bords de Seine : "Je me suis empressé d'aller à la pêche à la truite. J'ai pêché dans la Seine qui n'est pas plus large dans ces contrées que la Besbre, seulement il y a des endroits où il y a beaucoup d'eau. Comme dans la Besbre, il y a des écluses et de beaux courants. J'ai trouvé dans le pays par hasard un poisson artificiel. C'est une dame qui me l'a vendu 0.75 centimes, son mari est mobilisé. Tu parles si j'étais heureux. Je te dirai aussi que dans ce pays, il n'y a pas beaucoup de pêcheursà la ligne et ils ne se servent pas du poisson artificiel comme chez nous, c'est donc bien le hasard que j'ai trouvé celui-ci. J'ai coupé une branche de noisetier et voilà ma gaule. Je suis parti avec un copain et j'ai pêché toute la soirée et j'ai réussi à prendre trois belles truites qui pesaient deux livres." (Lettre du 13 mars 1916 de Gyé)
Le plus difficile donc pour Claude Lafayette est de se procurer du bon matériel de pêche. La plupart du temps, il demande à son épouse de tout lui envoyer depuis Lapalisse : "Je voudrais que tu m'envoies 2 douzaines d'hameçons Président numéro 9 et 4 racines japonaises. Elles doivent coûter 4 sous pièce et les hameçons 6 sous la douzaine. A ma permission, j'avais pris mes hameçons chez Berthuet, ils doivent avoir aussi des racines japonaises. Tu les prendras pas vertes. Tu les prendras sans couleur, je sais qu'il y en a chez Piat. Tu m'enverras cela dans une lettre." (Lettre su 3 juillet 1916 de Brienne)

Après 22 mois de service, Claude Lafayette put enfin annoncer à son épouse la nouvelle tant attendue : son retour à la maison, via le centre de démobilisation de Falaise en Normandie. (Lettre du 27 janvier 1917). La vie reprit ses droits. En 1919, le temps d'un mandat, Claude Lafayette devint conseiller municipal sur la liste radicale d'Auguste Coche. Notre homme prit sa retraite professionnelle à la fin des années 1920.


S. HUG

HUGSTEPHANE@aol.com
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Tous mes remerciements vont à Mademoiselle Melissa Catti qui a souhaité faire revivre la correspondance de Claude Lafayette. 

jeudi 7 mai 2015

La Guerre de Claude Lafayette, Territorial bourbonnais (Quatrième partie)


Eloigné de chez lui, jouissant de moins en moins de permissions, Claude Lafayette essaya tant bien que mal de suivre l'évolution de ses affaires. Son souci premier en ces temps difficiles : honorer les commandes au prix le plus juste :

"Pour la porte de Madame Bertrand, je ne me souviens pas si les panneaux sont en chêne ou en sapin, car il y a trop longtemps. En tout cas, ça ne peut faire une grosse différence. Ce que je puis affirmé, c'est que tout est en chêne à part les deux panneaux, si toutefois ils sont en sapin. Hors voici comment il faudrait déduire les panneaux qui doivent mesurer environ 0.70 m carré. Prix en chêne : 13.5 = 9.45 f - Prix en sapin 8.50 = 5.95 f .... à déduire de ma note : 3.50 f . En somme, tu vois qu'il n'ya pas à s'inquiéter, la différence qu'il peut y avoir sur le prix de la porte est de 3 à 4 francs et si elle ne paye pas, c'est de la négligence de sa part." (Lettre du 2 juin 1915)
Claude Lafayette profite également de ses permissions pour assurer quelques livraisons : "Si je ne peux y être au moment de la livraison, l'on pourrait les charger vers l'atelier, je ferais bien mon possible pour aller les cirer. Je ne sais pas si je le pourrai, j'ai bien demandé 24 heures pour dimanche prochain. Je ne sais pas si je les aurai, en tout cas j'arriverai samedi soir au train de 10 heures, 10 heures et 1/2 à la maison." (Lettre du 28 novembre 1915 de Roanne)

Cette lettre d'Emma Lafayette est accompagnée d'un trèfle à quatre feuilles et d'un minuscule bouquet de fleurs des champs, talismans et gages d'un retour au plus vite au pays.  Sur le feuillet de gauche figure des bribes de comptes qui permettaient de tenir informer notre patron menuisier de suivre les paiements de sa clientèle. 

Homme de métier, Claude Lafayette accomplit quelques travaux de menuiserie au sein des différents casernements où il résida. Mais surtout, il répondit plusieurs fois à quelques commandes précises de gradés :"Ce soir à 5 heures, j'ai livré ma boîte à violoncelle, je l'ai posté au bureau. Le Commandant y  était, il m'a bien fait des compliments mais nous n'avons pas causé." (Lettre du 22 novembre 1916) "J'ai fait deux malles à deux sergents du 19e, ils ont été tout contents, Boudaille voudrait que je lui en fasse une, seulement le Commandant a mis le bois sous clef." (Lettre du 15 septembre 1916)

Demeurer chef de famille à distance constitua une gageure. Bien entendu au delà du contenu formel des lettres de Claude Lafayette, les ressorts psychologiques du couple, du foyer familial et des rapports avec le cercle proche nous échappent en grande partie. Etait-il sûr que ces conseils fussent suivis à la lettre ? nous l'ignorons car beaucoup de choses devaient se réguler durant les permissions de notre menuisier lapalissois. Le premier objectif de Claude Lafayette était de rassurer en permanence sa femme et sa fille par rapport à ces conditions de casernement et son éloignement du front :
"Sois tranquille, je ne risque rien. Nous sommes à Argers, du reste tu as dû recevoir une carte postale du pays. Toute la journée, nous entendons le canon et pas des minces. Mais les marmites ne peuven tpas nous atteindre car nous en sommes à 20 kilomètres. Donc tu vois que nous ne sommes pas en danger, ni dans les tranchées." (Lettre du 26 décembre 1915) "Tu me dis que M. Bernier est allé à Vichy consulter une cartomancienne, j'espère bien mon petit grelet (surnom, tout comme celui de Bielle, que Lafayette donne à sa fille Gabrielle) que tu n'y crois pas à toutes ces bêtises, tu es bien trop intelligente pour cela. Tu diras bien à Tante Madeleine, que , comme dit le Pépé, se sont des bêtises. Tu me dis qu'à Lapalisse, l'on a pavoiser de drapeaux italiens et français, l'Hôtel de Ville et la Gendarmerie". (nota : pour fêter l'entrée en guerre de l'Italie aux côtés des Alliés) (Lettre du 28 mai 1915 de Roanne)

Lettre de Claude Lafayette à la Bielle (sa fille, Gabrielle) accompagnée d'un petit bouquet très patriotique

Autre priorité : le budget familial. Alors que les rentrées d'argent s'effondrent, qu'Emma envoient régulièrement des mandats à son mari, notre homme essaya de garder la main dans ce domaine : "Gabrielle peut bien étudier son solfège sans qu'elle reprenne son instrument ou plutôt sans que Delorme lui donne des leçons, ce sont des frais que nous ne pouvons faire en ce moment." (Lettre du 17 octobre 1916 à Brienne). 

(à suivre)

S. HUG

HUGSTEPHANE@aol.com

mercredi 6 mai 2015

La Guerre de Claude Lafayette, Territorial bourbonnais (Troisième partie)

Pendant plusieurs mois, Claude Lafayette va nourrir l'espoir d'être démobilisé en faisant valoir à la fois sa situation familiale et son statut de petit patron. Pour ce faire, il semble avoir utilisé deux intermédiaires privilégiés : Auguste Coche, adjoint au maire de Lapalisse, Président de la Société de Secours Mutuels et son voisin, le commerçant Delorme, conseiller municipal. "J'attends encore pour répondre à Coche que tu me dises si la demande que tu attends va réussir, mais je n'y compte guère, cependant ce serait le rêve pour moi si je pouvais revenir travailler à mon atelier enfin des deux il y en aura peut être une qui réussira. A quand je serai parti de cette misère." (Lettre du 27 mai 1916 à Brienne). Cependant, aucune des démarches engagées n'aboutit.
Durant les six premiers mois de son service, Claude Lafayette bénéficia de permissions relativement fréquentes. De Roanne ou de Moulins, en une heure de train, notre homme était de retour sur les bords de Besbre, s'offrant à chaque occasion une vraie "coupure" avec la vie de caserne : "Tache d'avoir des cerises pour samedi soir, nous pourrions peut être prendre la friture et dimanche, si l'eau n'est pas trop rande, nous irons à la Figourdine essayer de prendre une truite." (Lettre du 30 juin 1915 de Roanne) Cependant, en Argonne, dans la Marne et en Chamapgne, les permissions devinrent de plus en plus rares et de moins en moins faciles à annoncer à la maisonnée : "Je compte être à Lapalisse dimanche prochain 14 mai, ou lundi. Inutile de venir m'attendre à la gare. Je ne peux t'affirmer à l'avance si je partirais car au dernier moment il peut bien avoir un contre-ordre. Inutile que tu te creuses la tête à ce sujet. Si j'arrive, tu me prendras, si je n'y suis pas, ce sera pour 12 jours plus tard si les permissions ne sont supprimées." (Lettre du 8 mai 1916 de Bussy-aux-Bois)

Un retour en bonne santé, voilà ce qui importait aux yeux de Claude Lafayette. Notre Lapalissois essaya ainsi tant bien que mal de soigner au mieux les maux de ventre chroniques qui le taraudait depuis quelques années déjà. Arrivé à Gyé-sur-Seine, il écrit à sa femme : "J'avais besoin de changer de nourriture, aussi manger soupe et boeuf et boeuf et soupe matin et soir ce n'était pas drôle car j'avais attraper un commencement d'enthérite, la dyssentrie et des douleurs dans le ventre continuellement. Je l'ai perdu on ventre et j'ai bien diminué de 10 kilos." (Lettre du 8 mars 1916) Il n'est pas rare qu'Emma Lafayette glissait dans les nombreux colis qu'elle envoyait à son mari des médicaments achetés à la Pharmacie Desfourniaux, située à quelques pas du magasin familial. Mis à part une sévère grippe contractée dès le premier mois de son incorporation, Claude Lafayette traversa globalement plutôt bien ses 22 mois de service territorial. Admis un mois entier à l'infirmerie de la Caserne Werlé de Roanne, Claude Lafayette demanda à sa femme d'user de discrétion quant à son état de santé car il estimait que l'on ne manquerait pas de jaser sur son intention de se faire réformer : "Inutile de raconter tout cela aux voisins., les gens sont tellement jaloux qu'ils pourraient te lancer quelques bonniments non seulement à mon égard, mais aussi à celui de Béguet qui est très gentil pour moi." (Béguet = banquier lapalissois installé sur l'Ile Saint-Jean)

De évidence ce fut durant la période où il fit partie des brigades de bûcherons que les conditions de cantonnement de Claude Lafayette furent les plus rudes : "Pour le moment il ne fait pas froid. Nous ne sommes pas trop malheureux. Il n'y a que les rats qui nous dévorent. Ils nichent dans nos musettes et nos sacs, ils raffutent partout dans nos gamelles et notre pain est tout entamé par ces bestiaux, ainsi que le chocolat." (Lettre du 28 janvier 1916) 


Claude Lafayette accordait une grande importance à son alimentation. Il faut dire que les économies de la famille lui permettait, contrairement à d'autres territoriaux, d'étoffer ses repas et s'accorder quelques plaisirs : "Je me suis installé dans le poste de la vigie pour manger, j'ai déjeuné avec une boîte de sardines, 1 livre de pain, un chausson aux pommes avec 1/2 litre de vin. Hier soir, j'ai soupé pas trop mal pour 2 f 30 : une soupe sans pain, 2 sardines, du beurre gros comme une noisette (sardines pas fraîches, beurre rance), un tout petit bifteack avec une bonne assiette d'haricots (assez bons), un petit morceau de fromage et deux biscuits, 1 café san gnôle bien entendu. Avec une petite bouteille de vin, pas même le 1/2 litre. Tu vois que c'est cher ! et j'ai payé 1 f de chambre." (Lettre du 3 mai 1916 à Chalons-sur-Marne). 

L'ordinaire est complété par le contenu des colis envoyés par Emma Lafayette : gâteau de Savoie, saucisson, chocolat, pain d'épices, tabac...


Les jours de fêtes, la ration habituelle est largement complétée par tout ce que les Territoriaux peuvent mettre au "pot commun" : 

"Pour la veillée de la messe de Minuit, je ne t'ai pas écrit, voici pourquoi. Je suis allé trouver Marchand et nous avons fait une manille jusqu'à 9 heures et 1/2 le soir et comme Réveillon nous avons bu 1 litre de vin et 2 litres de cidre accompagnés d'une tartine de beurre de Lapalisse que Marchand avait pris. Je suis revenu dna smon gourbis où tous les copains chantaient et cela a duré jusqu'à Minuit. Puis l'on s'est couché aprs avoir passé une bonne soirée. Aujourd'hui Noël. Nous avons fait concert dans une grange. Il a plu toute la journée. A déjeuner, l'on nous a donné du lapin et un biscuit le tout était excellent. Le soir nous avons refait une manille, chanté et bu, en ce moment nous cassons la croûte, un morceau de pain et de chocolat." (Lettre du 25 décembre 1915)

(à suivre)

S. HUG

HUGSTEPHANE@aol.com


mardi 5 mai 2015

La Guerre de Claude Lafayette (deuxième partie)

Claude Lafayette fut tout d'abord affecté à l'atelier de sellerie de la Caserne Werlé de Roanne, puis participa ensuite à des opérations de chargement/déchargement à Moulins. En Argonne, puis dans la Marne, il fut incorporé au sein d'une brigade de bûcherons effectuant des coupes de bois. Enfin, à Brienne, Claude Lafayette travailla de nouveau à des opérations de manutentions et réalisa des services de garde.

Dans l'une de ses toutes premières lettres à sa femme, Claude Lafayette relate son incorporation :

"Villemontais, le 4 avril 1915. En somme, voici ce que j'ai fait depuis mon arrivée. Lundi, fais porter rentrant et toucher 2 f 50, aller au rendez-vous à partir de 5 h du soir. Mardi, 6 heures du matin, rentrer à la caserne, nous avons touché pantalon et capote. Toute la journée à la caserne sans savoir que faire, manger et coucher où vous voudrez. Mercredi, 6 heures du matin. Visite médicale, toucher le sac, libre le soir à 5 h 1/2. Manger et coucher à nos frais. Jeudi, 6 heures du matin, toucher le fusil, 10 heures, départ pour Villemontais. Arrivée à 1 h 1/2 sans manger. L'on s'est donc occuper de nous pour la nourriture et le coucher que ce jour et je t'assure qu'il y en a beaucoup qui était bien à plaindre. Vendredi, rien à faire, que des appels et l'installation dans nos cantonnements. Samedi, l'on a commencé à demander 110 volontaires terrassiers pour partir lundi pour faire des tranchées." (l'orthographe de l'auteur a été respaectée)



Ecrivant durant les premières semaines sur du papier à l'entête de son entreprise, les conditions d'écriture de Claude Lafayette vont, comme nous pouvons le constater, considérablement évoluer par la suite. Dès 1916, de petits feuillets in-octavo vont généralement faire l'affaire. 

Au fil de ses lettres, on s'aperçoit rapidement que trois impératifs occupaient l'esprit de Claude Lafayette, patron artisan, père de famille et petit bourgeois lapalissois :


- Etre démobilisé et rentrer à Lapalisse. Les mois passants, les espoirs d'un retour disparaissant, Claude Lafayette met tout en oeuvre pour préserver une santé assez fragile.

- Suivre l'évolution de ses affaires
- Continuer à remplir à distance son rôle de père de famille

(à suivre)

S. HUG

HUGSTEPHANE@aol.com

lundi 4 mai 2015

La Guerre de Claude Lafayette, Territorial bourbonnais ( Première partie)

La Mission Centenaire et la Grande Collecte, lancées il y a maintenant presque deux ans, ont surtout permis de densifier nos connaissances sur "Ceux de 14". Les Historiens disposent désormais d'archives plus variées pour appréhender les conditions de vie des combattants, des soignants ainsi que des populations directement touchées par les opérations militaires, sans oublier, bien entendu, celles de l'arrière. Le travail de recherche a déjà largement commencé et de nouvelles clefs de compréhension apparaissent. Si le visage symbolique du Poilu a été largement mis en avant, certaines catégories de la population française sont malheureusement restées dans l'ombre des combattants de la Grande Guerre. Ainsi, l'expérience de la Guerre des Territoriaux, ces soldats âgés de 34 à 49 ans et mobilisés au fur et à mesure des besoins des Etats-Majors comme auxilliaires dans l'industrie, les hôpitaux ou les camps militaires n'a guère retenu l'attention des concepteurs des expositions qui ont fleuri un peu partout en France l'an dernier. Il y a quelques semaines, une jeune Suissesse, Mélissa Cattin, m'a fait découvrir un lot de lettres qu'elle venait d'acquérir. Ce fonds épistolaire constitué de 254 unités est le produit de la correspondance de guerre de Claude Lafayette (1890-1933), patron menuisier-ébéniste lapalissois qui fut mobilisé en tant que Territorial de fin mars 1915 à fin janvier 1917.

Claude Lafayette (en chemise blanche), son épouse, Emma, et deux ouvriers posant devant l'atelier de menuiserie
Le magasin Lafayette situé en haut de la rue du Commerce à Lapalisse

Installé à son compte depuis 1897 en haut de la rue du Commerce, Claude Lafayette s'est marié en 1902 avec Emma Deveaux (né en 1884), fille d'un artisan carossier de la ville. Une fille, Gabrielle est née de cette union en 1903. Le couple fait partie de la petite bourgeoisie locale, loge à domicile une bonne et dispose d'un certain confort matériel. Claude Lafayette fréquente les rangs de la Société Musicale lapalissoise, il est membre de la Société de Secours Mutuels locale et nourrit une grande passion pour la pêche. Si la très grande majorité de ses lettres sont destinées à sa femme, Emma ou à sa fille Gabrielle, quelques copies de courrier montrent que Claude Lafayette entretenait également une correspondance avec son beau-frère, Edouard Deveaux, lui aussi mobilisé, avec ses beaux-parents, mais aussi avec la famille Delorme, ses voisins, qui tenait un magasin de nouveautés à Lapalisse et, enfin, avec quelques amis de la Société de Secours Mutuels dont Auguste Coche, futur maire lapalissois.
Durant ses 22 mois de mobilisation, Claude Lafayette fut affecté dans deux unités et six lieux de cantonnement différents :

- Du 29 mars 1915 au 30 septembre 1915 : 104e Territorial à Roanne
-Du 1er octobre 1915 - début décembre 1915 : 104e Territorial à Moulins
- Du 20 décembre 1915 - 8 mars 1916 : 104e Territorial à Argers-en-Argonne
- Du 8 mars 1916 au 23 mai 1916 : 19e Territorial à Gyé-sur-Seine puis à Bussy-aux-Bois
- Du 23 mai 1916 au 30 janvier 1917 : 19e Territorial à Brienne

(à suivre)

S. HUG

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